Au Sénégal, le fantasme d’un compte bancaire à mille milliards
09/11/2024Ousmane Sonko, le nouveau Premier ministre sénégalais, connu pour ses sorties musclées contre l’ancien régime, pourrait avoir cette fois-ci franchi un nouveau palier.
L’accusation est lourde. Selon le chef du gouvernement sénégalais, Ousmane Sonko, un ancien responsable de l’administration de l’ancien président Macky Sall aurait détourné et conservé sur un compte bancaire la somme astronomique de « plus 1000 milliards de francs CFA », soit l’équivalent de 1,5 milliard d’euros.
Les propos tenus par Sonko le 27 octobre lors d’un meeting électoral dans le cadre des législatives anticipées du 17 novembre prochain, ont de quoi intrigué plus d’un. Dans un Sénégal friand des polémiques, surtout entre acteurs politiques, ils ont naturellement fait la Une de la presse locale.
Chaque commentateur y va depuis de ses exégèses sur la question. Les observateurs se demandent comment une telle fortune, représentant une part significative du budget national, a pu être simplement « laissée en vue » sur un compte bancaire ?
Surtout si l’on tient compte du fait qu’il s’agirait du fruit d’un détournement, comme le prétend Sonko. Difficile de connaître les tenants et les aboutissants de cette affaire alors que le Premier ministre s’est gardé de mentionner de nom.
Les milliards qui défient la raison
Interpellée par les médias locaux – dont le quotidien Enquête –, la primature a préféré faire le mort. Mais cela n’a guère empêché la presse de questionner la faisabilité d’un tel acte. Les experts du secteur bancaire consultés par Jeune Afrique (JA) sont unanimes : un tel montant sur un unique compte bancaire relève de l’impossibilité technique et pratique.
Selon, de nombreux obstacles et pas des moindres, compliquent cette éventualité. À savoir, l’incapacité pour une seule banque de gérer une telle somme, presqu’équivalente au bilan total de la CBAO Attijariwafa Bank, plus importante institution bancaire du Sénégal.
Par ailleurs, une telle concentration de fonds présenterait un risque systémique pour n’importe quelle banque de la région, toujours à en croire les interlocuteurs de JA, qui rappellent que les règles bancaires imposent une traçabilité stricte des fonds, de sorte à prévenir tout acte douteux.
Entre rhétorique politique et réalité comptable
Mais alors pourquoi Ousmane Sonko s’est-il laissé aller à de telles extrémités ? La question reste en suspens en attendant de plus amples précisions de la part du Premier ministre. Quelques incidences permettent cependant de comprendre la démarche derrière cette fameuse « révélation ».
Le timing en l’occurrence – le premier jour de la campagne pour les législatives – augure d’une stratégie destinée à électriser les foules en faveur du nouveau parti (le Pastef) au pouvoir. D’autant que les actes de dénonciation se multiplient depuis l’accession du président Bassirou Diomaye Faye au pouvoir.
Cela vaut-il le coup de sacrifier le principe de l’exigence de vérité ? En définitive, cette sortie de Sonko illustre les défis de la nouvelle administration : transformer les promesses de changement en actions concrètes, tout en évitant les écueils d’une surenchère rhétorique préjudiciable à la cause.