Neuralink : Elon Musk souhaite implanter des puces dans le cerveau humain dès 2022
20/12/2021Elon Musk a récemment déclaré qu’il espérait que sa société Neuralink commence à implanter ses puces cérébrales chez l’homme en 2022.
Lors d’une courte interview accordée au Wall Street Journal dans le cadre du Sommet du Conseil des PDG, le CEO de Tesla Motors et de SpaceX a expliqué que son entreprise technologique d’interface cérébrale implanterait dans un premier temps des micropuces chez des personnes souffrant de graves lésions de la moelle épinière.
Neuralink
Cofondé par Musk en 2016, Neuralink conçoit une puce censée être implantée dans le cerveau humain pour permettre d’enregistrer et de stimuler l’activité cérébrale, dans le cadre de troubles neurologiques et pour le traitement des lésions graves de la moelle épinière.
Lors de l’interview diffusée en streaming, Musk a précisé que Neuralink fonctionnait très bien chez les singes. Après de nombreux essais, l’entreprise a pu corroborer que le système était très sûr et fiable et qu’il pouvait être retiré en toute sécurité. L’entrepreneur américain a en outre expliqué que les premiers humains à bénéficier de cette technologie seraient des tétraplégiques et les quadriplégiques.
Toutefois, Neuralink doit d’abord recevoir l’approbation de la Food and Drugs Administration, organisme chargé du mandat d’autorisation de la commercialisation des médicaments aux Etats-Unis.
En effet, les normes d’implantation pour le dispositif de Neuralink sont considérablement plus strictes que ce que réclame habituellement la FDA.
Lancement à nouveau repoussé
Le projet Neuralink est une fois de plus repoussé, explique Business Insider. Musk a l’habitude ne pas respecter le délai de ses projets, explique le média.
Ainsi, en février dernier, Musk avait déclaré que l’implantation de sa technologie Neuralink pourrait débuter chez les humains d’ici la fin de 2021. Toutefois, en 2019, l’entrepreneur avait dans un premier temps affirmé que l’entreprise réaliserait ses premiers essais sur l’homme d’ici la fin de 2020.
Après une levée de 205 millions de dollars en juillet, Neuralink a expliqué que ces fonds serviraient au développement de sa puce, celle-ci devant permettre aux tétraplégiques le contrôle d’appareils numériques via l’esprit.
Neuralink n’est pas la seule active dans le domaine de la technologie d’interface cérébrale. En juillet, Synchron, une société de biotechnologie employant 20 personnes, a reçu l’approbation de la FDA pour le commencement de tests humains.
« Musk a assez d’argent pour transformer n’importe laquelle de ses idées en industrie fonctionnelle »
« Alors que la plupart d’entre nous vaquons à nos activités quotidiennes, Musk a été oint par une puissance supérieure pour nous sauver de nous-mêmes », écrit Tristan Greene, journaliste spécialisé en IA, en informatique quantique et en physique pour le site The Next Web.
L’entrepreneur milliardaire veut en venir à bout des accidents de la circulation, résoudre l’autisme, connecter le cerveau aux machines, remplir le ciel de satellites pour que le monde puisse avoir accès Internet et coloniser Mars.
« Musk ne sait pas précisément comment nous allons parvenir à toutes ces choses, mais il a plus qu’assez d’argent pour transformer n’importe quelle bonne idée en une industrie fonctionnelle », écrit le journaliste.
Critiques
L’année dernière, plusieurs experts avait déjà émis des réserves au sujet du projet Neuralink de Musk.
Antonio Regalado, sur le site MIT Technology Review, média du Massachusetts Institute of Technology, avait expliqué que Neuralink n’était pas le premier à penser que les puces cérébrales pourraient étendre ou restaurer les capacités humaines. L’installation de sondes dans le cerveau de personnes souffrant de parylisie a débuté à la fin des années 1990.
Arwa Mahdawi, chroniqueuse pour le quotidien britannique The Guardian, avait indiqué que pour les neuroscientifiques, il n’y avait rien de nouveau dans le projet de Musk.
« En effet, dans leurs laboratoires, le bourdonnement et le crépitement des impulsions électriques enregistrées à partir de cerveaux d’animaux (et de certains humains) se font entendre depuis des décennies. »
Le chroniqueur scientifique de The Next Web fait le même constat. Pour Greene, Neuralink a déjà manqué ses attentes. Cette société est sur le point d’inventer un interface cerveau-ordinateur exactement aussi sophistiquée que celle de Eberhard Fetz en 1969, explique le journaliste.
Eberhard Erich Fetz est un neuroscientifique, universitaire et chercheur américain. Il est professeur de physiologie et de biophysique à l’Université de Washington.
Il est l’auteur de plus de 160 articles sur les neurosciences expérimentales, les interfaces cerveau-ordinateur et les réseaux de neurones.
Neuralink : battage médiatique
L’objectif principal de la démonstration de Musk semble être d’enthousiasmer et d’embaucher des ingénieurs et de booster les actions du constructeur de voitures électriques Tesla, expliquait l’année dernière Regalado.
« Théâtre, peut-être, mais avec un public ravi. Peu importe les déclarations ridicules de Musk, il possède des hordes de fans adorateurs alignés pour injecter son battage médiatique dans leurs veines – et ses puces dans leur cerveau. Un narcissique avec des ambitions qui ressemblent beaucoup à un lavage de cerveau ? Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? », ironisait à l’époque la chroniqueuse de The Guardian.
Sur The Next Web, la conclusion de Tristan Greene va dans le même sens :
« Les personnes qui ont l’opportunité d’investir dans Neuralink gagneront de l’argent tant qu’Elon Musk maintient le battage médiatique. Peu importe si la technologie à distance (qui selon lui, devrait devenir l’interface cerveau-ordinateur courant) que son entreprise fabrique aujourd’hui pour la transformer en une machine de télépathie magique n’est que purement hypothétique en 2021. »
Le problème de cartographie de l’IA
L’IA a un problème de « cartographie ». Les grandes entreprises technologiques sur le terrain n’ont actuellement aucune idée de comment résoudre ce problème, ajoute Greene.
Lorsque ce dernier parle de « problème de cartographie, il se réfère au fait que les cartes elles-mêmes ne sont pas réalisables par des représentations individuelles une à une d’une zone donnée. Toute « carte » subit automatiquement des pertes de données.
Lors de la formation d’un système d’apprentissage en profondeur pour la compréhension de quelque chose, des données lui sont fournies. Il est tout simplement impossible d’avoir accès à toutes les données lorsqu’il s’agit de la réalisation de tâches complexes comme la conduite d’une voiture ou l’interprétation d’ondes cérébrales.
« On élabore en quelque sorte une approximation à petite échelle du problème et on espère qu’il sera possible d’adapter les algorithmes à la tâche spécifique », explique le journaliste.
« Elon Musk est probablement l’unique « expert » en intelligence artificielle pour qui la vision par ordinateur axée sur l’apprentissage en profondeur est la seule solution pour les véhicules autonomes. »
Le problème de cartographe de Neuralink
Neuralink fait face au même type de problème à une échelle beaucoup plus vaste, explique Greene.
Selon les experts, le cerveau humain compte plus de 100 milliards de neurones.
« Or, nous ne possédons même pas de carte de base de ces neurones. »
C’est la raison pour laquelle les neuroscientifiques remettent en question la thèse d’une régionalisation de l’activité cérébrale. Selon des études récentes, divers neurones s’allument selon des systèmes changeants et ce, même lorsqu’il s’agit des mêmes pensées ou souvenirs.
Autrement dit, si vous procédez à une cartographie parfaite de ce qui se passe lorsqu’une personne imagine une crème glacée, il se peut que la prochaine fois qu’elle y pense, cette ancienne carte ne serve plus.
« Nous ne savons pas comment cartographier le cerveau. Cela signifie que nous ne pouvons pas créer un ensemble de données permettant d’entraîner l’IA à l’interprétation. Alors, comment entraînez-vous une intelligence artificielle à la modélisation de l’activité cérébrale ? Vous faites semblant. Vous entrainez un singe à appuyer sur un bouton pour demander de la nourriture, puis vous l’entrainer à utiliser une interface cerveau-ordinateur pour actionner le bouton, comme Fetz l’a fait en 1969 », conclut Greene.