L’institut météorologique national français est en proie à d’importantes turbulences, entre couacs dans les prévisions, automatisation controversée, dérèglement climatique…
« Quand bien même nous savons tous que la météorologie n’est jamais une science exacte, il est difficile de comprendre qu’en 2024, une telle marge d’erreur soit possible dans les prévisions, prévisions dont la fiabilité est moindre qu’il y a quelques années ».
Le 18 octobre 2024, dans les colonnes de Nice-Matin, l’édile de Cannes et président de l’Association des maires de France, David Lisnard, ne décolérait pas au sujet de Météo-France, accusé de saper les efforts de sa municipalité dans le cadre de l’imprégnation des habitants de « cette culture du risque, qui est la première forme de protection contre les risques majeurs ».
En cause, une succession d’épisodes météorologiques où les prévisions de l’établissement public français se sont révélées moins fiables que par le passé. Un exemple frappant s’est produit la veille, le 17 octobre 2024, lorsque les Alpes-Maritimes étaient placées en vigilance rouge pour des intempéries.
En vain, puisque les pluies ont été beaucoup moins importantes que prévu, avec seulement 23 mm d’eau en dix heures à Cannes.
La puissance technologique face aux coupes budgétaires
De quoi pousser le maire à réclamer un audit de Météo-France « pour analyser de façon précise et objective le problème, et savoir s’il est possible d’organiser une politique publique de la gestion du risque avec cet organisme ».
La machine aurait commencé à dérailler en novembre 2023 d’après une enquête du quotidien du soir, avec l’introduction d’une réforme baptisée « 3P » (programme prévision production).
Laquelle a introduit « Alpha », une base de données automatisée chargée de synthétiser les 350 scénarios quotidiens pour produire les prévisions destinées à l’application et au site Internet. De quoi remplacer une cinquantaine de postes de prévisionnistes qui, auparavant, saisissaient manuellement les prévisions pour le grand public.
« Un accident industriel majeur » aux conséquences durables
Cette réorganisation destinée à pallier la fonte des effectifs, passés de 3 400 en 2008 à 2 583 en 2024, soit une baisse de 30%, s’est hélas révélée chaotique, avec une multiplication des incohérences.
« Cette bascule a été horrible. Rien ne fonctionnait : Alpha n’était pas prêt, la chaîne opérationnelle derrière et la correction non plus« , témoigne auprès du Monde, un prévisionniste chargé de la correction.
Pour François Giroux, prévisionniste et représentant du personnel CGT, cette opération constitue « un accident industriel majeur » que les équipes « essaient encore de rattraper aujourd’hui ». De fait, entre septembre 2023 et juillet 2024, l’institut a connu un mouvement social d’une ampleur, avec grèves et assemblées générales pour protester contre le projet 3P.
Si Alpha commet désormais moins d’erreurs, les défis n’en restent pas moins grands pour Météo-France face à la problématique du changement climatique. Sa capacité à naviguer entre ces vents contraires devrait déterminer la résilience de ce service dont les origines remontent au XIXe siècle.