États-Unis : la neutralité du Net en péril ?
04/01/2025Une Cour fédérale américaine revient sur ce principe fondateur d’un accès égalitaire à Internet, jugeant infondée la décision précédemment prise par le régulateur des communications à ce sujet.
Dans une décision à la portée sans doute encore insoupçonnée, la Cour d’appel des États-Unis pour le sixième circuit, à Cincinnati, a estimé jeudi 2 janvier 2024, que la Federal Communications Commission (FCC), agence chargée de la régulation du secteur des communications, n’avait pas autorité à rétablir les règles empêchant les fournisseurs d’accès Internet (FAI) de ralentir ou de bloquer l’accès aux contenus sur Internet.
Cette décision soutenue par un panel de trois juges s’appuie notamment sur un récent arrêt (juin 2024) de la Cour suprême dénommé « Loper Bright », retirant aux agences fédérales à l’instar de la FCC, une partie de leur pouvoir d’interprétation des lois pourtant remontant à 1984.
Pour cette agence, cette décision lui ôte toute autorité dans la régulation des télécommunications, dont la protection de la neutralité du Net. Ce principe fondamental de l’accès à Internet fait obligation aux FAI de traiter tous les flux de données de manière égale, sans discrimination.
Autrement dit, il garantit que chaque internaute puisse accéder au site internet de son choix sans souffrir d’une quelconque modulation de la vitesse du débit selon la plateforme visitée.
Un champ de bataille politique et économique
La décision jeudi marque un autre développement dans les tiraillements autour de ce principe aux États-Unis. Adoptée sous Barack Obama en 2015, abrogée par Donald Trump en 2017, puis rétablie par l’administration de Joe Biden en avril dernier, la neutralité du Net fait l’objet d’une bataille rangée entre Républicains et Démocrates.
Avec en toile de fond, une intense pression entre partisans et opposants à ce concept. Dans le rang de ces derniers figurent les entreprises de télécommunications, qui craignent pour leur modèle économique.
Selon les FAI, le concept de la neutralité du Net pourrait induire une classification du secteur en un service essentiel au public, entraînant de fait un contrôle des prix et une étroite surveillance des pratiques commerciales. Autant de facteurs perçus entre autres, comme un frein à l’innovation.
Le Congrès à la rescousse ?
Brendan Carr, nommé comme futur président de la FCC par Donald Trump, et fervent critique de la neutralité du Net, s’est réjoui de la décision de la Cour fédérale, ajoutant que l’entreprise destinée à « défaire l’excès de réglementation de l’administration Biden » allait se poursuivre.
« Notre combat pour empêcher la mainmise injustifiée du gouvernement sur Internet a abouti à une victoire majeure« , s’est également félicité Grant Spellmeyer, directeur général d’ACA Connects, un petit groupe professionnel du câble, cité par le New York Times, alors que le camp d’en face se montre plus inquiet que jamais.
« Les consommateurs à travers le pays nous ont dit encore et encore qu’ils veulent un Internet rapide, ouvert et équitable. Le Congrès doit maintenant écouter leur appel, prendre en charge la question de la neutralité du Net et inscrire les principes d’un Internet ouvert dans la loi fédérale« , a ainsi plaidé Jessica Rosenworcel, présidente sortante de la FCC, dans des propos rapportés par le quotidien américain.