À Londres, l’inquiétante prolifération de la reconnaissance faciale
18/01/2025La capitale britannique voit cette technologie envahir l’espace public prétendument pour des raisons sécuritaires. Avec des préoccupations quant au sort des données personnelles qui en découlent.
Souriez, vous êtes filmés. Londres déjà considéré comme un des territoires les plus surveillés au monde en dehors de la Chine avec 97 caméras pour 1 000 habitants – soit près de cinquante fois plus qu’à Paris par exemple – voit l’émergence d’une nouvelle technologie : la reconnaissance faciale.
Un récent reportage du journal Le Monde permet de prendre la mesure de ce phénomène qui ne semble plus épargner aucun domaine de l’espace public. Des discothèques de nuit aux hôtels, des enseignes de grande distribution aux magasins d’accessoires de mode, Big Brother s’invite désormais partout dans la capitale britannique.
Facewatch, qui se décrit comme la principale société de sécurité par reconnaissance faciale pour le commerce de détail au Royaume-Uni, est devenue le principal fournisseur de cette technologie avec plus de 70 enseignes commerciales couvertes, dont certaines possédant jusqu’à 900 points de vente, d’après Le Monde.
L’objectif ? Protéger les entreprises contre la criminalité en créant un environnement plus sûr pour les clients et les collaborateurs.
Une surveillance privée hors de contrôle ?
Le principe tel que décrit par le quotidien français est le même partout. Les caméras capturent les visages des clients et les comparent instantanément à une base de données d' »indésirables ». Autrement dit, personnes filmées en état d’ébriété, les usagers de drogue, les mendiants et autres sans-abris fréquentant des environs des commerces, etc.
Les informations recueillies sur untel dans un lieu donné sont automatiquement partagées avec tous les clients de Facewatch. De fait, une personne fichée dans un magasin peut se retrouver automatiquement bannie de dizaines d’autres établissements, sans jamais y avoir mis les pieds dans ces lieux.
Une gestion privée des données personnelles d’autant plus préoccupante que le Royaume-Uni ne dispose d’aucune législation spécifique concernant la reconnaissance faciale, contrairement à l’Union européenne où l’usage de cette technologie en direct dans l’espace public est strictement encadré.
Confortée en 2023 par une enquête du Bureau du commissaire de l’information, le régulateur données biométriques, la société se vante sur son site internet de respecter la loi sur les données personnelles. Elle n’est pourtant pas exempte de dérives.
Les dérives d’un système défaillant
Les erreurs d’identification se multiplient, touchant particulièrement les minorités ethniques, les femmes et les enfants. Les algorithmes, entraînés principalement sur des visages d’hommes blancs, présentent des biais discriminatoires évidents.
Même le simple affichage de panneau censé informer le public sur la présence de la reconnaissance faciale n’est pas toujours respecté, comme l’a reconnu auprès du Monde, une employée d’Eat 17, épicerie de luxe située à Homerton, dans le Grand Londres.
« La reconnaissance faciale est un outil de surveillance de masse« , dénonce Josie Thum de l’ONG Privacy International, alors que les données biométriques sont collectées sans véritable consentement des personnes concernées.
Plus inquiétant, personne ne sait réellement qui a accès à ces informations ni combien de temps elles sont conservées, explique-t-elle, toujours au Monde.