« Ils mangent des chats » : Itinéraire d’une fausse nouvelle qui ébranle Springfield

« Ils mangent des chats » : Itinéraire d’une fausse nouvelle qui ébranle Springfield

06/10/2024 Non Par Borj Noe

L’État du Midwest est sous les projecteurs depuis l’amplification à la télévision par Donald Trump d’une rumeur pourtant officiellement démentie, accusant les immigrés d’y manger des animaux de compagnie.

« À Springfield, ils mangent les chiens. Les gens qui viennent (les immigrés, ndlr), ils mangent les chats, ils mangent les animaux de compagnie de ceux qui vivent là-bas. Et c’est ce qui se passe dans notre pays. C’est une honte ! ».

Le 10 septembre 2024 lors du débat présidentiel sur ABC News, le candidat républicain à l’élection présidentielle Donald Trump accusait ainsi les étrangers résidant à Springfield dans l’Ohio de manger des animaux de compagnie.

L’accusation formulée sous le regard hilare de son adversaire Kamala Harris et fact-checkée en direct par le journaliste David Muir a depuis contribué, selon les autorités locales, à une atmosphère délétère dans cette localité d’environ 58 000 habitants, selon le dernier recensement effectué en 2020.

Les Haïtiens vivant sur place, dont quelque 200 000 sont arrivés ces dernières années selon le New York Times, font notamment l’objet de menaces identifiées par les forces de l’ordre et décrites selon le maire Rob Rue comme une « réponse haineuse à l’immigration » sur place.

Affirmations « fausses », « insensées » et « sans fondement »

Plusieurs hôpitaux, universités et autres bâtiments publics ont été évacués au cours de la semaine écoulée suite à des alertes à la bombe. Soucieux de remonter à la source de ces affirmations de Trump qualifiées « d’insensées », de « complètement fausses » et de « sans fondement » par diverses autorités de l’Ohio, NewsGuard a enquêté.

Selon cette plateforme américaine spécialisée dans la lutte contre la désinformation en ligne, tout est parti d’une publication d’Erika Lee, identifiée comme une habitante de Springfield, dans un groupe privé Facebook au début du mois.

« Ma voisine [Kimberly Newton] m’a informé que la fille d’une de ses amies avait perdu son chat. … Un jour, elle est rentrée du travail, et dès qu’elle est sortie de sa voiture, elle a regardé vers la maison d’un voisin, où habitent des Haïtiens, et elle a vu son chat pendu à une branche, comme on le ferait pour un cerf avant de le découper, et ils étaient en train de le dépecer pour le manger« , a-t-elle notamment écrit.

A l’origine, un témoignage indirect

Le post est rapidement partagé, puis repris par des comptes conservateurs qui masquent le nom d’Erika, amplifiant le flou sur son authenticité. Grâce à la force démultiplicatrice des réseaux sociaux, il atteint très vite les plus hautes sphères du camp républicain, dont le colistier de Trump JD Vance ; son soutien le milliardaire Elon Musk, ainsi que le sénateur du Texas Ted Cruz, entre autres.

« Je ne suis pas certaine d’être la source la plus crédible parce que je ne connais pas personnellement celle qui a perdu le chat. Je n’en ai aucune preuve« , avoue aujourd’hui Newton au sujet de la rumeur, dans un entretien à NewsGuard.

Quant à Lee à l’origine du post sur Facebook, elle se dit « choquée » de voir Donald Trump reprendre la rumeur à son compte. « Je ne pensais pas que toute cette histoire prendrait de telles proportions« , a-t-elle déclaré à NewsGuard.

Malgré le tollé suscité par l’affaire, JD Vance n’en démord pas. « Si je dois inventer des histoires pour que les médias américains accordent enfin de l’attention à la souffrance du peuple américain, alors je le ferai« , a-t-il signifié dimanche 15 septembre sur CNN.