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Premier ministre : Emmanuel Macron et l’art de dribler tout le monde

Emmanuel Macron

European Parliament, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

Emmanuel Macron a tourné en bourrique pas mal de personnes. Après avoir fait espérer notamment Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, il a finalement nommé ce jeudi au poste de Premier ministre M. Michel Barnier. Il a demandé à l’ancien haut-commissaire européen de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays. La gauche se sent abusée.

Après 51 jours d’attente, Emmanuel Macron a nommé ce jeudi, au lendemain d’ultimes tractations, M. Michel Barnier comme le nouveau Premier ministre français. L’ancien haut-commissaire européen de 73 ans devient ainsi le plus vieux locataire de Matignon de la Ve République. Il succède d’ailleurs au plus jeune, Gabriel Attal, seulement 35 ans.

Emmanuel Macron cherchait d’un « vieux sage » de droite ou de centre

Selon des sources proches de l’Elysée, Emmanuel Macron s’est assuré que Michel Barnier réunisse les conditions de stabilité et d’union la plus large, avant de le désigner. Il lui a demandé de former « un gouvernement de rassemblement au service du pays ». Le chef de l’Etat cherchait un profil technique et un « vieux sage », pas trop à gauche, de préférence de droite ou de centre. Il voulait aussi une personnalité qui n’a pas d’ambition pour 2027. L’ancien ministre des affaires étrangères de Jacques Chirac remplirait toutes ces cases.

Pourtant, son nom n’avait pas été évoqué avant ce jeudi. La candidate du Nouveau Front Populaire (NFP) Lucie Castets écartée d’emblée, l’Elysée semblait privilégier une poignée de politiques et de haut-fonctionnaires. Au premier rang desquels figuraient Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, qui s’étaient dit prêts à assumer le poste de chef du gouvernement. Puis, le lundi 2 septembre, un autre favori est apparu, Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Michel Barnier a une carrière politique longue de 51 ans

Finalement, Emmanuel Macron n’a choisi aucune de ses personnalités. Il donne l’impression d’avoir joué avec leur esprit, d’autant qu’il les a tous reçus à l’Elysée pour un « entretien d’embauche », visiblement pas raté. Et celui qu’on n’avait pas vu venir se trouve désormais à Matignon avec ses valises. Mais sa désignation n’est pas pour autant immérité. Né le 9 janvier 1951 à La Tronche (Isère), le nouveau Premier ministre a une carrière politique longue de 51 ans.

Après avoir été conseiller général du département de la Savoie dans les années 70, Michel Barnier était devenu à 27 ans le benjamin de l’Assemblée nationale où il siégea jusqu’en 1993. Il assumera par la suite une série de hautes fonctions, dont celle de sénateur, de ministre de l’Environnement (sous François Mitterrand), ministre délégué aux Affaires européennes (sous Jacques Chirac) et ministre des Affaires étrangères (sous Nicolas Sarkozy).

Michel Barnier, un technocrate respecté à Bruxelles

Au début des années 2010, Michel Barnier entame une carrière au sein de la Commission européenne, qui lui confère un profil technique. En 2016, ce cadre LR devient négociateur en chef du Brexit, poste qu’il occupera jusqu’au 31 mars 2021. Si ce gaulliste est quasiment inconnu des militants de son parti, il jouit d’une forte réputation et d’un profond respect à Bruxelles.

En 2021, Michel Barnier s’est lancé dans la course à la présidentielle de 2022. Malheureusement pour lui, il n’ira pas loin car battu aux primaires des Républicains. Il avait fini troisième derrière Valérie Pécresse et Éric Ciotti, mais devant Xavier Bertrand. En 2020 déjà, Emmanuel Macron avait coché son nom pour remplacer Edouard Philippe à Matignon. Selon Le Monde, il a refusé à cause de la condition imposée par le président, à savoir quitter LR.

Le RN veut juger « sur pièces » le « discours de politique générale » de Michel Barnier

Désormais, il n’en est plus question. Emmanuel Macron joue maintenant la carte de la cohabitation ou plutôt de la coexistence pacifique. Le président attend de son nouveau Premier ministre qu’il trouve une ligne de crête pour éviter la censure immédiate à l’Assemblée nationale, où il existe trois grands blocs. La coalition de gauche, l’union de l’extrême droite et de la droite d’Éric Ciotti, et l’alliance républicaine (Ensemble, Modem, LR ou droite anti Ciotti).

Mais que pensent les oppositions de la nomination de Michel Barnier ? Si le député Jean-Philippe Tanguy tacle le nouveau Premier ministre le qualifiant de « fossile » de la politique française, le RN reste très mesuré dans sa réaction. Le parti d’extrême droite dit qu’il « jugera sur pièces » le « discours de politique générale » de M. Barnier. Il plaide pour « que les urgences majeures des Français, le pouvoir d’achat, la sécurité, l’immigration, soient enfin traitées ».

Le NFP parle d’un déni de démocratie de la part d’Emmanuel Macron

Le RN, qui rejetait la nomination de la candidate de gauche Lucie Castets à Matignon, apprécie certainement un peu Michel Barnier. Et pour cause ! Lors de sa campagne à la primaire LR en 2021, ce dernier a déclaré qu’il initierait un référendum de l’immigration, s’il arrivait au pouvoir. Le parti d’extrême droite xénophobe n’attend que ça. L’immigration est son thème favori. De son côté, le NFP est dans tous ses états. Il parle d’un déni de démocratie et appelle à la mobilisation la plus puissante ce samedi 7 septembre.

La coalition de gauche pense qu’on lui a volé sa victoire aux législatives de juillet 2024, en ne nommant pas sa candidate Lucie Castets ou au moins une personnalité issue de ses rangs. « Dans toutes les démocraties du monde, c’est la coalition arrivée en tête qui est appelée à former un gouvernement. Jamais le parti qui a perdu l’élection. Créer ce précédent serait dramatique et dangereux pour les institutions elles-mêmes », a déclaré dans un message sur X Olivier Faure, le patron des socialistes.

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