Iran : que peut-on espérer de l’élection à la présidence de Pezeshkian ?

Iran : que peut-on espérer de l’élection à la présidence de Pezeshkian ?

09/07/2024 Non Par Cinquième Pouvoir

Le réformateur Massoud Pezeshkian a remporté samedi la présidentielle en Iran face à l’ultraconservateur Saïd Jalili. Lors de sa première prise de parole, il a appelé à des relations constructives avec les Etats Unis et les pays européens afin de sortir l’Iran de son isolement. Mais a-t-il vraiment le pouvoir de changer la politique extérieure et même intérieure de Téhéran ?

Massoud Pezeshkian a remporté samedi le second tour de l’élection présidentielle iranienne, selon les résultats officiels dévoilés par le ministère de l’Intérieur. Le réformateur a obtenu 16,38 millions de voix (53,7%), contre 13,53 millions de votes (44,3%) pour son adversaire, l’ultraconservateur Saïd Jalili. La participation s’élève à 49,8 % avec 61 millions d’électeurs.

Des félicitations de la part des dirigeants arabes et russe

Après sa victoire, Massoud Pezeshkian, 69 ans, a reçu le soutien des anciens présidents Mohammad Khatami et Hassan Rohani, jugés modérés. Il a aussi obtenu les félicitations de dirigeants de plusieurs pays du Golfe, notamment du roi saoudien Salman bin Abdulaziz, du roi de Bahreïn Hamad bin Isa Al Khalifa et du président des Émirats arabes unis, le Cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan.

Sans surprise, le président russe Vladimir Poutine a adressé ses « félicitations sincères » à M. Pezeshkian, tout comme le chef de l’Etat syrien Bachar al-Assad. Ces deux derniers ont dit espérer un renforcement de la coopération bilatérale entre leur pays et l’Iran. Ces réactions de l’étranger témoignent de l’intérêt accordé par le monde à la présidentielle iranienne, organisée à la hâte après la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère en mai.

Pezeshkian souhaite régler la question du port obligatoire

Mais il n’y a pas que l’étranger qui place beaucoup d’espoir en son élection. En effet, les Iraniens aussi espèrent que son élection changera beaucoup de choses. Dès sa première prise de parole samedi, Massoud Pezeshkian a d’ailleurs tenu à rassurer tout le monde. Le député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l’Iran, a dit tendre la « main de l’amitié à tout le monde (…) pour le progrès du pays », alors que l’opposition en exil conteste le scrutin.

Pendant sa campagne, le chirurgien de 69 ans avait appelé à opérer une transformation profonde de son pays. Il a évoqué le port obligatoire du voile pour les femmes, qu’il souhaite abolir. Cette question avait provoqué d’importants troubles en Iran en 2022 après le décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict.

Vers la fin de la police des mœurs ?

Massoud Pezeshkian a aussi promis de mettre fin à la présence de la police des mœurs, chargée d’appliquer l’obligation du voile aux femmes dans la rue. Il souhaite en outre accroître la présence des minorités religieuses et ethniques, ainsi que des femmes dans la vie politique. Pour toutes ces mesures, une partie de la communauté universitaire, des artistes et des militants ont voté pour lui lors de cette présidentielle. Les contestataires du régime de l’Ayatollah voient en lui un moindre mal face à l’ultraconservateur Saïd Jalili.

Pezeshkian veut des « relations constructives » avec Washington

Au niveau de la politique extérieure, Massoud Pezeshkian a annoncé une ère d’ouverture, dans un contexte de tensions avec le monde occidental. En effet, l’Iran est au cœur de plusieurs crises géopolitiques, comme la guerre à Gaza, les escarmouches entre le Hezbollah et Tsahal et le dossier nucléaire, dans lesquelles il s’oppose aux États-Unis, son ennemi juré.

Le candidat réformiste désire des « relations constructives » avec Washington et les pays européens afin de « sortir l’Iran de son isolement ». Le pays fait notamment face à des sanctions économiques et des restrictions sur Internet. M. Pezeshkian a promis de négocier avec les Etats Unis pour relancer les pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018 d’un accord international conclu trois ans plutôt.

Pezeshkian a des pouvoirs limités

Si le nouveau président nourrit l’espoir d’un changement en Iran, il faut dire que ce changement sera minime. En effet, il n’a pas le pouvoir de bouger les grandes lignes politiques et diplomatiques de son pays. Celles-ci sont fixées par le guide suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei. Par ailleurs, M. Pezeshkian n’a aucun contrôle du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), une force chargée des opérations extérieures. Pour ne pas arranger les choses avec Israël, il a annoncé lundi son soutien à cette entité qualifiée de terroriste par Tel Aviv.