« Les milliardaires du secteur technologique craignent que leurs IA ne viennent les chercher », a déclaré Doug Rushkoff, Théoricien des médias à la City University de New York, précurseur de la culture cyberpunk et expert en économie numérique, dans le quotidien britannique The Guardian.
Les milliardaires de la technologie ont peur de l’IA
Récemment, le haut responsable américain de la santé a mis en garde contre les risques des médias sociaux pour les jeunes. D’autre part, Elon Musk a encore sapé sa réputation en participant via Twitter au lancement de la campagne présidentielle du républicain Ron DeSantis, l’actuel gouverneur de Floride. Enfin, les cadres supérieurs d’Open AI, les créateurs de ChatGPT, ont plaidé pour une réglementation urgente de la super IA.
Pour Doug Rushkoff, théoricien de la culture numérique, ces évènements devraient être l’occasion pour implémenter une justice coercitive pour les barons de la Silicon Valley. Il estime que d’autres évènements pourraient survenir à mesure que les nouveaux développements technologiques ne deviennent de plus en plus rapides.
« Actuellement, ils se torturent eux-mêmes et c’est assez amusant à voir. Ils craignent que leurs petites IA ne viennent les chercher. Ces magnats sont apocalyptiques et donc existentiels car ils n’ont aucun lien avec la vie réelle et la manière dont les choses fonctionnent. Ils craignent que leurs IA ne soient aussi méchantes qu’elles ne l’ont été avec nous », explique-t-il.
Dans son ouvrage récent « Survival of The Richest : Escape Fantasies of The Billionaires », Rushkoff a compilé une série d’observations sur l’élite technologique. Celles-ci sont tirées de ses nombreuses rencontres lors de conférences privées avec les pontes du secteur technologique mondial.
Selon le spécialiste, les milliardaires de la technologie sont en mode évasion. Ils planifient des missions sur Mars, conçoivent des bunkers insulaires ou se déplacent vers des terres plus élevées. Tout cela afin de survivre à « l’évènement », terminologie utilisée pour se référer à un effondrement climatique catastrophique.
Ils espèrent créer un métaverse virtuel, accomplissant ainsi la prophétie selon laquelle la révolution technologique consiste à nous préparer à un monde dans lequel il n’est plus possible de metter les pieds dehors.
Capitalisme sociopathe
Rushkoff se réfère au terme « The Mindset », une analyse de la façon de penser des technocrates de la Silicon Valley.
L’expert explique que les barons de la technologie ne cherchent qu’une chose : s’échapper du reste de la population. Pour ces derniers, le progrès technologique ne se résume qu’à un jeu vidéo que l’un de leurs membres gagne en dénichant une issue de secours.
Il cite plusieurs exemples pour illustrer son propos :
- Elon Musk et Jeff Bezos avec leurs fantasmes de migration spatiale ;
- Le bunker de Peter Thiel, le fondateur de PayPal, en Nouvelle-Zélande ;
- L’univers numérique de Mark Zuckerberg et d’autres avec leurs technologies axées sur la longévité et clonage.
Selon Rushkoff, le problème de ce type de comportements est qu’il ne fonctionne pas et ne fonctionnera pas.
Les grands entrepreneurs technologiques ne quittent pas la planète, explique le spécialiste. Par ailleurs, leur vie n’est pas éternelle. Ils ne font que vivre leurs fantasmes. Il s’agit en fait d’eugénistes.
Rushkoff estime en outre qu’il n’est pas étonnant qu’ils s’entendent avec des personnages tels que Jeffrey Epstein et Richard Dawkins. Ces derniers pensent en effet que seuls les gènes comptent et que nous vivons des un univers entièrement matériel. Pour eux, l’âme n’existe pas et les humains peuvent faire l’objet d’un réglage automatique.
Pour le pionnier du numérique, nous sommes face à une forme pure de capitalisme sociopathe. Et le problème est que la technologie augmente ces tendances sociopathes.
Le même destin que les fabricants de cigarettes
Les sociétés de médias sociaux connaîtront le même destin que les fabricants de cigarettes, avance Rushkoff. En effet, ces sociétés ont eu accès pendant 20 ans à de nombreuses recherches. Toutefois, elles ont sciemment affirmé que la technologie n’est pas nocive alors qu’elles savent que c’est le contraire.
Dans le passé, Rushkoff, techno-optimiste de la génération X, fut un partisan de la décentralisation, de la crypto-monnaie, du partage de fichiers et autres technologies disruptives. Toutefois, celles-ci ont également produit l’extrémisme, le secret, les dommages environnementaux et la fraude.
Avec la révolution de l’IA, le cyber-futurisme apparait encore moins acceptable. Ses partisans et personnalités de renom ne sont pas des révolutionnaires de l’information libre. Il s’agit davantage de magnas capitalistes révolutionnaires, déclare Rushkoff.
Avec sa décision d’héberger le gouverneur de Floride Ron DeSantis sur Twitter, Musk s’aligne sur les républicains. Par ailleurs, on se souviendra qu’il y a 4 ans, Zuckerberg et Thiel dinaient à la Maison Blanche avec Donald Trump.
Selon Rushkoff, la solution face à l’explosion des défis technologiques du monde moderne repose, non pas sur les gouvernements, mais sur les choix et la responsabilité personnels.
La seule manière de se rebeller consiste à être humain et conscient, affirme-t-il. Enfin, Rushkoff nous incite à être davantage social et à mettre les pieds sur terre.
« Établissez un contact visuel, faites l’amour, rencontrez des personnes, respirez l’air frais. Plus vous avez de lest dans la vie réelle, moins cet univers fragile, idéologique, abstrait et médiatisé par les médias sociaux a une incidence sur votre existence quotidienne », conclut-il.