« L’informatique quantique est encore plus dangereuse que l’intelligence artificielle », estiment Vivek Wadhwa, professeur d’ingénierie à l’Université Duke, entrepreneur et chroniqueur du Washington Post et de TechCrunch, et Mauritz Kop, chercheur en informatique quantique de l’Université de Stanford.
L’informatique quantique, un démon tout aussi destructeur que l’IA
Selon les deux experts, la technologie d’intelligence artificielle actuelle est aussi consciente d’elle-même qu’un trombone. Malgré le battage médiatique entourant constamment l’IA, force est de reconnaître que cette technologie échoue pratiquement toujours dans de nombreuses tâches quotidiennes simples.
Pour ces derniers, le sensationnalisme au sujet de l’IA n’est pas surprenant. Nombreux sont les médias se faisant écho des déclarations des figures de proue de l’industrie technologique.
Toutefois, que les ordinateurs acquièrent ou pas une intelligence atteignant les capacités intellectuelles humaines, le monde fait déjà face à un démon différent mais tout aussi nuisible et destructeur que l’IA, expliquent les deux auteurs.
Selon ceux-ci, l’IA actuelle n’est qu’un système inintelligent. Cette IA permet juste d’automatiser des prises de décisions via des algorithmes qui consomment en outre des volumes importants de données. Les experts soulignent que cette IA est devenue pour l’humanité en raison de son utilisation par les gouvernements et le monde industriel pour surveiller les espaces publics et les réseaux sociaux, pour créer des deepfakes et concevoir des armes létales autonomes.
Par ailleurs, l’absence de réglementation concernant l’IA aggrave ce risque. En effet, de grandes entreprises technologiques telles que le Google et Meta agissent maintenant en tant que juge et jury de toutes les affaires concernant l’intelligence artificielle. Et ces conglomérats technologiques irresponsables n’hésitent pas à taire les voix dissidentes, même dans leurs propres rangs, indiquent Wadhwa et Kop mettant en garde contre les risques d’un usage non réglementé de l’IA.
Cependant, l’informatique quantique est une technologie émergente, encore plus puissante, susceptible de constituer un danger encore plus important surtout si elle est combinée avec l’IA, avertissent Vivek Wadhwa et Maurtiz Kop. Ces derniers font remarquer qu’il est urgent d’appréhender l’impact potentiel de la technologie d’informatique quantique, de la réglementer et d’éviter que des acteurs malveillants ne commencent à l’utiliser.
L’informatique quantique n’en est encore qu’à ses balbutiements…
Pour l’heure, l’informatique quantique n’est encore qu’une technologie naissante. Toutefois, le fonctionnement de base de cette technologie est différent de celui des ordinateurs standards actuels reposant sur les semi-conducteurs.
Par ailleurs, en cas de réussite des projets actuels d’informatique quantique menés à travers le monde, la puissance de ces machines serait significativement accrue. L’informatique quantique pourrait ainsi effectuer en quelques secondes des tâches dont la réalisation par des ordinateurs conventionnels prendrait des millions d’années, expliquent les chercheurs. Ceux-ci précisent en outre que les départements de défense et autres projets gouvernementaux envisagent déjà très certainement l’utilisation de l’informatique quantique en raison de sa puissance technologique et de ses champs d’application révolutionnaires.
Pour les semi-conducteurs, l’information est une série de 1 à 0. Il s’agit de la technologie numérique. L’unité de calcul utilisée par les ordinateurs quantiques est appelée qubit. Celle-ci peut englober des valeurs de 1 et 0 de manière simultanée. Elle y parvient en incorporant une propriété contre-intuitive que l’on nomme superposition en physique quantique. Cette capacité augmente la puissance de calcul de l’informatique quantique qui croît exponentiellement à chaque qubit supplémentaire.
Capacités décuplées des ordinateurs quantiques
Dans la revue Foreign Policy, les deux scientifiques expliquent que si la physique quantique est susceptible de changer de nombreux aspects de la vie quotidienne si elle quitte le stade expérimental et bénéficie d’application quotidiennes. Les capacités de traitement d’immenses volumes de données des ordinateurs quantiques permettraient d’atteindre de meilleurs résultats dans des domaines tels que les prévisions météorologiques, les analyses financières, la planification logistique, la recherche spatiale et le développement de médicaments.
Par ailleurs, les avancées de l’informatique quantique seront très probablement utilisées par des acteurs malveillants à des fins néfastes dans les domaines bancaires, dans les communications privées et dans la technologie des mots de passe, et ce, sur l’ensemble des ordinateurs du monde. De nos jours, la technologie de chiffrement procède à l’encodage de volumes importants de combinaisons numériques impossibles à casser rapidement via la technologie numérique conventionnelle. Toutefois, via la superposition et l’intrication, les ordinateurs quantiques seraient capables d’utiliser une infinité de combinaisons avec une rapidité telle qu’ils pourraient déchiffrer tous les chiffrements par force brute de manière instantanée.
Les deux scientifiques reconnaissent toutefois ignorer à quel niveau de son stade embryonnaire se trouve l’informatique quantique.
Le secret des recherches sur l’informatique quantique
Plusieurs projets de recherche sur l’informatique quantique, entourés de secret, seraient menés à bien par la Chine, la France, la Russie, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, le Canada et l’Inde. Aux États-Unis, plusieurs entreprises telles qu’IBM, Google, Intel et Microsoft mais également des startups, des sociétés employées par la défense ainsi que des universités s’attèleraient également à de telles recherches.
Cependant, ces recherches ne font l’objet que de peu de publicité. Néanmoins, on connaît déjà certaines applications de base de l’informatique quantique telles des capteurs pouvant mesurer les signaux électromagnétiques terrestres depuis la Station spatiale internationale.
Des chercheurs des Pays-Bas ont réalisé une autre expérience sur l’informatique quantique. Ils ont procédé à la téléportation d’informations quantiques via un réseau de communication quantique de base. Au lieu d’avoir recours aux fibres optiques classiques, ce système fonctionne avec trois petits processeurs quantiques pour réaliser le transfert instantané de bits quantiques depuis un émetteur vers un récepteur. Bien que ces expériences n’aient pas encore d’applications pratiques, elles pourraient constituer les bases d’un Internet quantique futur. Cet Internet quantique permettrait de réaliser le transfert en toute sécurité de données quantiques vers un réseau d’ordinateurs quantiques à une vitesse dépassant celle de la lumière.
Alliance de l’informatique quantique et de l’intelligence artificielle
Plusieurs expériences sont également menées pour allier l’informatique quantique à l’IA afin de transcender les limites des ordinateurs conventionnels.
Actuellement, l’entrainement des grandes modèles d’apprentissage automatique via des ordinateurs numériques prend des mois. Cela se doit au volume important de calculs à traiter. Lorsque le développement de ces modèles intègrera des milliers de milliards de données, cet entrainement prendra encore plus de temps. Cependant, les ordinateurs quantiques pourraient accélérer ce processus.
Une intelligence artificielle alliée à l’informatique quantique pourrait aboutir à des progrès encore plus prometteurs et révolutionnaires que ceux de l’IA.
Alliée à l’informatique quantique, l’intelligence artificielle pourrait vraisemblablement aboutir à des résultats encore plus novateurs que ceux de l’IA.
Toutefois, les deux chercheurs avertissent que, compte tenu des capacités exponentielles de la technologie quantique, il est fondamental de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’avec l’intelligence artificielle.
Le manque de règlementation concernant l’IA a conduit au développement de biais algorithmiques alimentant les stéréotypes et préjugés humains. Les médias sociaux véhiculent le conspirationnisme et autres théories du complot. Des fausses nouvelles générées par IA alimentent les attaques contre les institutions démocratiques. Ces risques se doivent au fait que la machine devient capable de prendre des décisions de manière autonome. Par conséquent, les failles de code informatique favorisent l’émergence de résultats imprévus et préjudiciables.
L’année dernière, les scientifiques de la communauté quantique ont lancé un appel à l’action visant à étudier ces préoccupations.
Menace sur les défenses nationales
Des problèmes de défense nationale existent également. Dans les milieux d’experts en technologies de sécurité, on évoque la possibilité de développement d’un ordinateur quantique performant sur le plan cryptanalytique. Ce système pourrait mettre à mal la cryptographie à clé publique employées par les systèmes de sécurité mondiaux. On pourrait ainsi aboutir au craquage de la blockchain, une capacité très risquée si elle tombe aux mains d’un régime totalitaire.
Selon Vivek Wadhwa et Maurtiz Kop, il est important de mettre en place des contrôles ciblés sur les développeurs, les utilisateurs et les exportations de technologie quantique.
Les deux chercheurs indiquent d’autre part qu’il est urgent d’établir une protection pour les brevets, les secrets industriels et les droits de propriété intellectuelle. En effet, les risques de vol de propriété intellectuelle augmentent sensiblement à cause de la portée révolutionnaire de l’informatique quantique.
Enfin, les nations démocratiques doivent surveiller et contrôler les technologies quantiques tout en respectant les valeurs démocratiques. Il est en outre fondamental que les gouvernements formulent des réglementations, des normes et des utilisations responsables entourant la technologie quantique.