Pour Louis Rosenberg, un des pionniers de la réalité augmentée, le métaverse pourrait provoquer la disparition de la réalité.
Métaverse et modification de notre sens de la réalité
Sur The Big Think, Louis Rosenberg, informaticien ayant développé le premier système de réalité augmentée à l’Air Force Research Laboratory, fondateur de la société de technologie haptique Immersion Coporation, a mis en garde contre l’avènement du métaverse.
Selon lui, le fait d’intégrer la réalité virtuelle et la réalité augmentée et de faire interagir les personnes dans le domaine numérique pendant une bonne partie de la journée pourrait modifier leur sens de la réalité. Il existe également un risque que cela ne déforme la manière dont nous interprétons nos expériences quotidiennes.
« Notre environnement se peuplera de personnes, d’endroits, d’objets et d’activités dont l’existence n’est pas réelle. Pourtant, ceux-ci nous sembleront profondément authentiques », écrit Rosenberg sur The Big Think.
Rosenberg ne cite pas explicitement Mark Zuckerberg et Meta. Toutefois, il se dit profondément préoccupé par les utilisations légitimes de la réalité augmentée des puissants fournisseurs des plateformes contrôlant l’infrastructure.
Depuis le mois de juillet, le CEO de Facebook n’a de cesse d’évoquer ses projets concernant le métaverse, précisant qu’il s’agit de l’avenir de son entreprise. Dans une interview au site The Verge, Zuckerberg avait expliqué que d’ici cinq ans, son entreprise passerait du stade d’entreprise de médias à celui d’entreprise métaverse.
Le métaverse risque de devenir une technologie non facultative
Rosenberg craint également que les technologies de réalité augmentée ne finissent par obliger les personnes à devenir totalement dépendantes des couches virtuelles d’informations projetées autour d’elles
Ces technologies ne seront pas plus facultatives que ne l’est l’accès à Internet de nos jours, explique-t-il. Les personnes ne débrancheront pas leur système de réalité augmentée car cela rendra inaccessibles certains aspects importants de leur environnement. Un tel débranchement risque de nous désavantager socialement, économiquement et intellectuellement.
L’adoption de certaines technologies au nom de la commodité est rarement facultative. Elles ne seront plus facultatives lorsqu’elles seront largement intégrées à nos existences, avertit Rosenberg.
Selon ce dernier, notre société vit des moments dangereux. Et La réalité augmentée a le potentiel d’amplifier ces périls à des niveaux sans précédents.
Exemple inquiétant
Rosenberg imagine un futur où le métaverse submerge la réalité. Dans un tel contexte, un cas de figure l’inquiète particulièrement.
« Imaginez que vous marchez dans une rue de votre ville natale. Vous regardez avec désinvolture les passants sur le trottoir. Un peu comme aujourd’hui, sauf que flottent au-dessus de leur tête de grosses bulles d’informations rougeoyantes. L’intention semble innocente. Cela permet aux personnes de partager leurs passe-temps et leurs intérêts avec tout leur entourage. »
« Imaginez maintenant que des tiers puissent injecter leur propre contenu, éventuellement en tant que couche de filtre payante que seules certaines personnes peuvent voir. Ces tiers ont recours à cette couche pour marquer les individus avec des mots qui clignotent en gras tels que « alcoolique », « immigré, « athée » ou « raciste ». »
« Ceux qui sont tagués ne savent peut-être même pas que les autres peuvent les voir de cette façon. Les couches virtuelles pourraient facilement être développées pour amplifier la polarisation politique, l’ostracisme de certains groupes, voire la haine et la méfiance. »
« Est-ce que cela va vraiment rendre le monde meilleur ? Ou faudra-t-il prendre la culture polarisée et conflictuelle qui a émergé en ligne et la répandre dans le monde réel ? » », s’interroge Rosenberg.
Autres craintes à propos du métaverse
Rosenbger craint également que le métaverse n’aggrave de nombreux problèmes technologiques de la société car les humains ne quitteront pas le domaine numérique.
Avec la réalité augmentée, le dernier bastion de réalité fiable pourrait complètement disparaître, prévient-il.
« Cela ne fera qu’exacerber les divisions sociales qui nous menacent. »
Malgré ses critiques à l’égard du métavers et de ses implications sociales, Rosenberg estime que ces technologies pourraient être bénéfiques. Elles pourraient enrichir la vie des personnes dans des domaines tels que la santé, le divertissement, l’éducation et autres secteurs de l’économie.
« Mais la réalité augmentée nous rendra également encore plus dépendants des couches technologiques insidieuses régissant nos vies et des courtiers en puissance qui contrôlent ces couches. ».
Cela nous rendra de plus en plus vulnérables aux manipulations et aux distorsions de ceux qui tirent les ficelles.
Selon Rosenberg, si nous ne faisons pas attention maintenant, la réalité augmentée pourrait facilement provoquer la fracturation de la société. La réalité augmentée pourrait faire en sorte que nous passions de nos propres bulles d’informations à nos propres réalités personnalisées. Elle pourrait également renforcer davantage nos points de vue et cimenter nos divisions et ce, même lorsque nous sommes en présence d’autres personnes au sein de la sphère publique.