Facebook, ce réseau social prospère et détesté si difficile à quitter
10/02/2021 Non Par Arnaud LefebvreLe réseau social Facebook a récemment annoncé que ses ventes, principalement issues des publicités diffusées sur Facebook, Instagram et ses autres applications, ont atteint près de 86 milliards de dollars l’année dernière. Il s’agit d’une progression de son chiffre d’affaires de 22%. Le bénéfice net pour l’entreprise de Mark Zuckerberg s’élève à 29,1 milliards de dollars pour l’année 2020.
Malgré le fait que Facebook est impliqué dans un scandale différent presque toutes les semaines, le réseau social continue à rapporter énormément d’argent et à croître. Chaque jour, 2,6 milliards de personnes à travers le monde utilisent les applications de Facebook. Et ce nombre d’’utilisateurs ne cesse d’augmenter.
Une entreprise prospère
« Facebook est une société technologique mêlée à un scandale différent chaque semaine et que les personnes disent ne pas aimer. Mais malgré cela, ses produits sont utilisés par des milliards d’utilisateurs. Par ailleurs, les entreprises ne cessent de dépenser des sommes folles en publicités pendant une pandémie pour chercher à atteindre ce public sur Facebook », écrit Shira Ovide, rédactrice en chef de la section technologique du New York Times.
Et pourtant Facebook est une entreprise indéfendable qui normalise le suivi invasif des personnes pour générer des revenus.
En octobre dernier, Jaron Lanier, un des pionniers de la réalité virtuelle et de l’Internet, avait expliqué au magazine GQ que les entreprises de médias sociaux sont essentiellement des systèmes géants de modification du comportement qui utilisent des algorithmes pour augmenter sans cesse « l’engagement » des utilisateurs, en suscitant de mauvais sentiments chez ces derniers.
« Ces entreprises vendent à leur tour la possibilité de modifier notre comportement à des annonceurs qui souhaitent utiliser leur influence sur nous pour, par exemple, réduire notre participation électorale ou radicaliser les suprémacistes blancs », expliquait Lanier.
Des produits très rentables
« Votre selfie sur Instagram lors de votre vaccination, le message d’une maman lors d’une collecte de fonds ou encore votre groupe familial sur Facebook, tels sont les produits de l’entreprise. Et nous les fabriquons gratuitement. Ce qui signifie en d’autres termes que Facebook est très rentable. J’écris sur les finances des entreprises depuis longtemps. Je ne pense pas avoir jamais vu cette combinaison de popularité, de ventes en croissance rapide, de gros profits et de répulsion totale. », écrit encore Ovide.
« L’écart entre la réputation publique de Facebook et son succès financier n’a jamais été aussi grand », déclarait il y a peu Kurt Wagner sur Bloomberg.
Essor des superpuissances technologiques durant la pandémie
Au début de la pandémie, nombreux sont ceux qui ont prédit que les superpuissances technologiques deviendraient probablement encore plus fortes durant cette crise. Maintenant que les rendements financiers des entreprises en 2020 sont disponibles, il est clair que cet enrichissement des super-riches a été sous-estimé. En outre, pour les plus riches du monde, la récession induite par la pandémie est terminée. Toutefois, elle pourrait affecter les populations les plus pauvres pendant encore une décennie ou plus, indiquait récemment un rapport publié par l’ONG Oxfam. Beaucoup de ces milliardaires sont actifs dans le secteur technologique.
« Apple, Netflix, Microsoft et d’autres puissances technologiques fabriquent des produits sur lesquels les gens et les entreprises comptent pour traverser une pandémie. Et ils font de l’argent à tour de bras », explique Shira Ovide.
« Je suis reconnaissante que des entreprises comme Facebook, Amazon, Google et d’autres nous aident à travailler, à aller à l’école, à faire des achats, à nous divertir et à nous connecter à un moment comme celui-ci. Mais il est également difficile d’ignorer le décalage entre leurs montagnes d’argent et la situation précaire de la plupart des grandes économies en 2020 et les finances malheureuses de nombreuses familles. »
Un réseau social facilement détestable difficile à quitter
À ce stade, on pourrait se demander pourquoi, s’il est si facile de détester et de critiquer Facebook, autant d’utilisateurs éprouvent tant de difficultés à quitter le réseau social.
Le fait est que cette plateforme social a investi énormément dans l’unique fonctionnalité dont les personnes ne pourraient se passer : les groupes.
« Sur les milliards d’utilisateurs dans le monde qui consultent Facebook au moins une fois par mois, les deux tiers d’entre eux utilisent la fonctionnalité « Groupes » au moins une fois par mois, pour tout, des problèmes de santé aux loisirs en passant par l’organisation politique », écrivait la journaliste Heather Kelly dans le Washington Post, en novembre dernier.
Selon Facebook, on assiste à une augmentation du nombre de personnes utilisant les fonctionnalités de « Groupes » pendant la pandémie. Avec ces options pour ralentir la propagation du coronavirus, les utilisateurs se sont tournés vers des communautés virtuelles telles que des groupes pour trouver de la compagnie ou simplement pour passer le temps.
La société a fait de Groups l’avenir de Facebook depuis 2017, lorsque l’intérêt des utilisateurs pour leurs fils d’actualité traditionnels diminuait. Facebook a investi massivement dans cette fonctionnalité et a fait des groupes un élément central des campagnes publicitaires. L’entreprise a même commencé à organiser un Facebook Communities Summit tous les ans.
Une entreprise qui retient ses groupes
Certaines personnes parviennent à se détacher de Facebook tout en continuant à utiliser Instagram ou WhatsApp. Toutefois, ces applications appartiennent à la même entreprise et partagent leurs données.
D’autres personnes essaient des mesures plus temporaires pour se distancer de l’entreprise, telles que la désactivation de leurs comptes au lieu d’une suppression totale. Elles laissent cependant la porte ouverte pour un éventuel retour sur la plateforme. Les utilisateurs peuvent supprimer l’application pour limiter la fréquence à laquelle ils l’utilisent, ou arrêter de partager des informations personnelles et analyser passivement leur flux.
« Les personnes qui restent sur Facebook, travaillent gratuitement et gèrent des groupes, ne le font pas pour l’entreprise. Ils sont attachés aux communautés qu’ils ont créées et rejointes – des liens qui peuvent l’emporter sur les préoccupations concernant l’entreprise », explique encore Kelly.
Sans la possibilité d’exporter l’historique d’un groupe ou de transférer ses utilisateurs vers une option externe, il n’y a pas d’alternative parfaite pour ses communautés. Facebook a refusé de commenter ses paramètres de groupe ou tout projet futur concernant cette fonctionnalité. L’entreprise dit que les groupes privés sont son avenir. Cependant, certains sont des centres de désinformation et de haine.
Enfin, les dernières tentatives de Facebook pour ralentir la désinformation signifie la probation pour les groupes.