La pandémie de coronavirus fait souffler un vent de panique en ce qui concerne les implications des entreprises qui ont décidé de surveiller leurs employés via le télétravail. La majorité des tâches sont dorénavant effectuées en ligne. Par conséquent, les méthodes de travail ont été adaptées. On constate un regain d’intérêt pour les produits des entreprises qui proposent des logiciels de surveillance à distance.
Plusieurs polémiques ont déjà eu lieu concernant des logiciels tels que Zoom et le partage des données des utlisateurs avec d’autres entreprises.
La surveillance des travailleurs était déjà là
Le dernier tollé a eu lieu le mois dernier. En ligne de mire, Microsoft 365, un progiciel lancé en 2019 qui offre aux gestionnaires une évaluation globale de la productivité de leur équipe. Le logiciel mesure des éléments tels que le nombre d’e-mails que les membres envoient et avec qui ils communiquent. Cet outil permet en outre de voir combien de personnes participent aux discussions de groupe. Il permet de voir dans quelle mesure elles y contribuent via, par exemple, les documents qu’elles partagent.
Microsoft a déclaré avoir modifié son « score de productivité » afin de limiter des capacités d’intrusion. Numerama n’hésite pas â taxer ce service de « levier de flicage managérial potentiel ».
« Dans le détail, le service permettait dans certains cas de suivre la production individuelle d’un employé, faisant alors de cet outil non plus un indicateur de la performance générale de la société, mais un possible levier de flicage managérial », écrivait il y a peu Julien Lausson pour Numerama. « Un logiciel qui mesure des éléments tels que ce que les travailleurs tapent (et à quelle vitesse) et ce qu’ils visionnent sur leur écran donnerait (ou du moins devrait nous donner) la chair de poule.
Mais en nous concentrant principalement sur ces méthodes, en partie parce qu’elles sont nouvelles, il se peut que nous omettions l’instinct de surveillance et de mesure des employés. La surveillance n’est pas créée par la technologie. Elle est plutôt facilitée par celle-ci. On a entendu dire que le coronavirus avait accéléré ces pratiques. La pandémie a peut-être simplement mis en évidence la mesure avec laquelle ces pratiques ont toujours existé », écrit la journaliste Rachel Connoly dans le quotidien britannique The Guardian.
Une pratique ancienne
Les employeurs ont depuis longtemps corrélé l’efficacité des travailleurs à leur visibilité. Il s’agit d’une logique qui s’est poursuivie jusqu’au lieu de travail moderne. Dès 1915, la forme des bureaux des employés a évolué. On est passé à un bureau plat en métal pouvant être installé en rangées. Auparavant, les employés utilisaient des bureaux en bois encombrés de piles de papier. Les nouveaux bureaux ont été conçus pour que les travailleurs soient plus exposés lorsqu’ils travaillent et, par conséquent, davantage surveillés.
De nombreux emplois de col blanc tels que le droit et la comptabilité, obligent les employés à enregistrer la manière dont ils passent leur temps et ce, même à la minute près, afin de pouvoir facturer les clients. Ce même système est utilisé pour le temps non facturable. Certaines choses pouvant être perçues comme des avantages (les systèmes de pointage pour des horaires flexibles, les téléphones d’entreprises pouvant servir pour la communication personnelle) ont également des possibilités de surveillance intégrées. Parallèlement, les formes numériques de communication telles que Slack, génèrent un enregistrement automatique de tout ce que les personnes disent, même au sein de conversations décontractées.
Maximalisation de la productivité
Loin du monde des cols blancs, les travailleurs d’Amazon opèrent sous des régimes de surveillance extrême, avec des réseaux de caméras de sécurité et des objectifs de productivité horaires pour le déplacement des colis. Et dans de nombreux centres d’appels, des informations sont collectées sur tout : de la durée des appels et du nombre de transferts d’appels, au temps que les employés passent aux toilettes.
« C’est, bien sûr, beaucoup plus invasif qu’un programme qui surveille la communication par courrier électronique entre les bureaux, mais le but est à peu près le même », écrit Rachel Connoly.
Toutes ces mesures répondent à la volonté de maximalisation de la productivité. Mais la meilleure mesure de la productivité est simplement la qualité et la quantité du travail d’une personne. Surveiller ce que font les gens n’est pas la même chose que mesurer le rendement de leur travail. Selon un rapport récent de Harvard Business Review, une surveillance inutile des employés peut miner la confiance des travailleurs. Cette surveillance exalte les avantages des nouvelles options de suivi du point de vue du manager. Toutefois, tout ce qui peut être tracé n’est pas pertinent ou utile. Parfois, il s’agit juste d’un élément qui peut être suivi.
« Nous sommes habitués à ce que les environnements professionnels aient une couche de surveillance intégrée. Maintenant que cet environnement a fusionné avec le domicile pour de nombreux travailleurs, certaines de ces pratiques semblent plus extrêmes. Mais la discussion sur la surveillance ne doit ni commencer, ni se terminer avec les outils utilisés par les employeurs pour surveiller les personnes travaillant à domicile. Nous devrions plutôt nous demander à quel point tout cela est-il nécessaire », conclut la journaliste.