Pandémie : les réseaux sociaux sont le miroir de la dégradation de la santé mentale des utilisateurs
30/11/2020Sur les réseaux sociaux, les utilisateurs font davantage référence à leurs angoisses et parlent plus régulièrement du suicide qu’avant la pandémie de coronavirus, indique une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’Université d’Harvard.
Les réseaux sociaux sont devenus un dépôt de la manière dont les citoyens vivent les moments historiques. Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, ces plateformes servent d’espaces de soulagement pour des millions d’utilisateurs qui les utilisent pour partager leurs inquiétudes et leur malaise face à une situation dramatique et à l’issue incertaine.
Anxiété, idées suicidaires et problèmes de couple
Des chercheurs du MIT et de l’Université d’Harvard ont analysé les conversations publiées par les utilisateurs sur les réseaux, au cours des derniers mois, afin de voir de quelle manière leur santé mentale était affectée. Leur recherche, parue dans le Journal of Medical Internet Research, conclut que les utilisateurs font davantage référence à leur anxiété et parlent plus de suicide que durant la période précédant la pandémie.
Cette découverte correspond également à la perception de nombreux psychologues se basant sur les consultations de leurs patients depuis le début de la pandémie. Depuis le début du confinement, les démarches de consultation les plus courantes chez les professionnels de la santé concernent l’anxiété, la gestion du deuil et les problèmes de couple.
« Nous voyons surtout des difficultés relatives au deuil, au décès d’un parent ou d’un proche, à une perte d’emploi ou à un sentiment profond de solitude », explique la responsable d’une application de soutien psychologique. Suite aux recommandations de réduire au maximum la bulle sociale, le recours à ce type d’applications a explosé.
Changements linguistiques des utilisateurs
Cette évolution des besoins des patients se voit principalement sur les réseaux sociaux. Les scientifiques du MIT et d’Harvard ont utilisé des algorithmes d’apprentissage automatique pour analyser le contenu de plus de 800.000 publications. Ils ont découvert des changements de ton et de langage chez les utilisateurs au fur et à mesure qu’avançait la première vague de pandémie, de janvier à avril. Leur analyse a également découvert plusieurs changements clés au sein des conversations au sujet de la santé mentale. Ils ont constaté une hausse générale des références à l’anxiété et au suicide.
« Nous avons découvert des fils de conversation relatives au suicide et à la solitude. Dans ces groupes, la quantité de publications à ce sujet a doublé durant la pandémie par rapport aux mêmes mois de l’année précédente », explique Daniel Low, étudiant diplômé du programme de biosciences et technologie de la parole et de l’audition à Harvard et au MIT, responsable principal de l’étude.
Selon les auteurs, la pandémie n’est pas l’unique responsable des changements linguistiques observés. Toutefois, ils ont remarqué que l’on a assisté à un changement beaucoup plus significatif durant la période allant de janvier à avril 2020 par rapport aux mêmes mois de 2019 et 2018. « Ce qui veut dire que ces changements ne se doivent pas uniquement aux tendances annuelles normales », précisent-ils.
Algorithmes de traitement du langage
À l’aide de divers types d’algorithmes de traitement du langage naturel, les chercheurs ont mesuré la fréquence des mots associés à des sujets tels que l’anxiété, la mort, l’isolement et la toxicomanie. Ils ont ensuite regroupé les publications en fonction des similitudes de langage utilisé.
Ils ont constaté que la plupart des utilisateurs avaient commencé à parler du coronavirus en mars. Toutefois, ceux qui ont déclaré souffrir d’anxiété ont commencé à en parler plus tôt, en janvier. Au fur et à mesure que la pandémie progressait, le langage utilisé par tous les utilisateurs a commencé à se ressembler davantage.
L’analyse a également révélé l’impact du coronavirus sur les personnes qui souffraient déjà d’un type de maladie mentale avant la pandémie. Les groupes de santé mentale les plus touchés au début de la pandémie étaient ceux liés au TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) et aux troubles de l’alimentation.
Les chercheurs émettent l’hypothèse que sans leurs systèmes de soutien social habituels, en raison de la quarantaine, les personnes atteintes de ces troubles ont beaucoup plus de mal à contrôler leurs conditions. Dans ces groupes, les chercheurs ont trouvé des articles sur l’hyperfocalisation sur l’actualité et la rechute lors de comportements semblables à l’anorexie, étant donné que d’autres personnes ne surveillaient pas les repas.
Selon les cherches, ces résultats pourraient aider les professionnels, et même les responsables de différents réseaux sociaux, à mieux identifier et aider les utilisateurs qui souffrent d’un certain type de problème de santé mentale. « Ce type d’analyse pourrait aider les prestataires de soins de santé mentale à identifier les segments de la population qui sont les plus vulnérables lorsque quelque chose de grave se produit, comme une pandémie ou une catastrophe naturelle », conclut Low.