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Pourquoi le tourisme devra changer après la pandémie de coronavirus

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Les foules de touristes piétinant les rues et moindres recoins de Venise, la « Reine de l’Adriatique », témoignent de la nécessité de transformer le tourisme de masse après la pandémie de coronavirus. L’expansion du virus à travers le monde et les confinement et verrouillage consécutifs des populations ont donné un peu d’air frais aux sites qui souffrent du tourisme de masse tels que Venise, ville assiégée par les visiteurs.

« Cette désertion des touristes des grands sites touristiques les plus populaires au monde suite au Covid-19 montre ainsi qu’un tourisme plus durable est nécessaire », écrit Neal E Robbins, journaliste du quotidien britannique The Guardian.

Une industrie touristique énorme

Avant le coronavirus, l’industrie touristique était le plus grand employeur par secteur de la planète. Dans le monde, le secteur touristique fournirait du travail à une personne sur onze. Après la crise sanitaire, cette industrie refera certainement surface. Toutefois, nombreux sont ceux qui se demandent si ce secteur devrait être le même qu’avant la pandémie.

« Le moment de repenser ce que devrait être le tourisme est peut-être venu », explique le journaliste du Guardian, basé à Venise.

Avant la pandémie de coronavirus, le nombre de touristes mondiaux devait atteindre 1,8 milliards d’arrivées internationales par an d’ici 2030. Si l’on compare avec le milieu du 20éme siècle, on constate une hausse du nombre de touristes mondiaux significative. Ainsi, en 1950, ceux-ci étaient au nombre de 25 millions.

Cette énorme augmentation comporte deux aspects. D’une part, le tourisme crée des millions d’emplois et assure une subsistance économique aux populations de lieux historiques et éloignés.  D’autre part, cependant, le tourisme de masse ou surtourisme est un net inconvénient pour des destinations touristiques plus fragiles telles que l’ancienne cité inca Machu Picchu au Pérou et de nombreux centres-villes historiques comme la Nouvelle-Orléans, Dubrovnik, Barcelone ou Venise.

Pression du surtourisme sur Venise

À Venise, les 30 millions de touristes annuels exercent une pression énorme sur les résidents, le patrimoine et l’environnement. Le tourisme de masse est une force corrosive, explique Neal E Robbins.

« Durant les années qui ont précédé le coronavirus, j’ai passé des mois dans la cité des canaux et de la culture à interviewer les Vénitiens sur leur vie. Invariablement, la première chose dont ils me parlaient était les effets du tourisme de masse : comment, depuis les années 1990, celui-ci a chassé les résidents, comment les rues et les places deviennent dangereusement surpeuplées, comment le surtourisme a fait grimper les coûts du logement et détruit les magasins locaux qui s’adressent désormais tous aux touristes mangeurs de sandwichs et acheteurs de souvenirs, comment il permet aux touristes d’envahir les mariages, les baptêmes et les funérailles. Les liens sociaux dont Venise jouissait autrefois, son rythme de vie, même les métiers artisanaux dynamiques, appartiennent désormais presque au passé », témoigne le journaliste.

Outre cette pression sur la vie locale, le tourisme de masse pèse aussi sur l’environnement et génère des montagnes de déchets à cause de l’utilisation intensive des ferries et des vaporettos, les bateaux-bus typiques de Venise. Le passage de ces moyens de transport provoque la détérioration des bâtiments historiques anciens. Les centaines de visites des stations flottantes, des navires de croisière massifs pouvant accueillir chacun jusqu’à 4.000 passagers, polluent l’atmosphère et provoquent une érosion de l’environnement lagunaire sensible de la région.

Les Vénitiens auront totalement déserté Venise en 2030

La population de Venise, plus de 170.000 habitants après la Seconde guerre mondiale, a baissé régulièrement pour atteindre 52.000 personnes de nos jours. Les résidents qui restent se sentent encore chanceux de vivre dans une ville d’une telle beauté. Ces derniers croient que leur culture survivra malgré les assauts du surtourisme.

Toutefois, ils déplorent également les dommages provoqués par ce secteur sur la ville. Beaucoup perdent courage et environ 1.000 habitants par an s’exilent sur le continent. Une Venise sans Vénitiens, à savoir sans nombre significatif de résidents permanents, est prévue pour 2030.

« Il n’est pas exagéré de dire que le tourisme de masse couplé aux problèmes existants de mauvaise gestion de l’environnement, de corruption, de stase politique et d’urgence climatique rapproche la communauté, la lagune et un patrimoine fabuleux, de l’effondrement », explique le journaliste.

Venise au bord de l’effondrement

Le tourisme était une source de revenus assez bénigne pour Venise jusqu’à ce que l’on assiste à un changement radical il y a une trentaine d’années, lorsqu’une nouvelle économie a permis de voyager à bas prix par avion, de communiquer plus rapidement et d’accélérer la mondialisation. Lorsque la gestion de la ville a été transférée à un marché avec peu de contrôles, Venise a été livrée au dépeçage. Les modifications régionales apportées aux lois italiennes dans les années 90 ont provoqué l’apparition d’un commerce immobilier rampant qui a intensifié les effets du tourisme de masse.

Pourtant, les Vénitiens croient qu’ils peuvent encore sauver leur ville. Ils exigent que les politiciens en fassent plus et instaurent de nouvelles mesures. Ils veulent par exemple que les autorités gèrent le nombre de touristes qui visitent la ville et adoptent de nouvelles lois pour régir la vente et la location de propriétés. Ils souhaitent également mettre fin à l’activité d’Airbnb qui pousse les résidents à partir de la ville. De nombreux habitants plaident pour un hébergement à long terme à des coûts durables et pour plus d’emplois grâce à la diversification économique. Ils souhaitent aussi l’application de plus de mesures environnementales telles que l’interdiction des bateaux de croisière hors normes et un meilleur traitement de la lagune qui est vitale pour la vie de Venise.

Un nouveau état d’esprit

Toutes ces exigences et besoins ont été mis en évidence lors du coup d’air frais apporté par le verrouillage de la ville suite au coronavirus. Durant le confinement, Venise a retrouvé une tranquillité perdue et les populations de poissons, de cygnes et de cormorans ont fait leur réapparition au sein des canaux généralement perturbés par le trafic excessif.

Venise et tant d’autres destinations touristiques ont besoin d’un nouveau tourisme, qui profite également aux résidents et qui ne soit pas organisé autour des spéculateurs, des propriétaires et des demandes des voyageurs.

« Les visiteurs doivent considérer le tourisme moins comme un droit incontestable mais davantage comme une partie de leur responsabilité de maintenir la vie sur Terre. Cela doit inclure à terme la limitation du nombre de touristes », avance Robbins.

« Le tourisme après le coronavirus nécessite un nouvel état d’esprit. Peut-être que nous ne pourrons pas visiter des sites avec tant de désinvolture ; peut-être devrons-nous sacrifier notre liberté d’aller n’importe où aussi vite que possible et par tous les moyens qui nous conviennent. Nous devons accepter la vie et les visites à un rythme plus lent. Nous devons mettre un terme à notre passivité en tant que touristes et voir les destinations comme des foyers, pas seulement en tant qu’attractions. Nous devons nous familiariser avec les conditions locales et être prêts à ne pas voyager si les autorités n’écoutent que les intérêts financiers et ne parviennent pas à favoriser les moyens de subsistance locaux et à protéger l’environnement local. Des attitudes plus durables aideront les destinations fragiles à vivre – et permettront aux chefs-d’œuvre tels que Venise de survivre pour les générations à venir. »

 

 

 

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