Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé ce vendredi sa démission, après une réunion la veille avec le président de la République Emmanuel Macron. Ce départ était devenu inévitable, tant il ne pouvait pas y avoir deux capitaines dans un même bateau…
Sans surprise, Edouard Philippe a présenté ce vendredi sa démission à Emmanuel Macron, qui l’a acceptée (on imagine avec joie). Le premier ministre a été aussitôt remplacé par Jean Castex, le Monsieur « déconfinement » du gouvernement et maire de Prades (Pyrénées-Orientales). Ce départ d’Edourd Philippe ne surprend guère puisqu’il était annoncé depuis plusieurs semaines. Il n’est que le résultat d’une cohabitation devenue impossible avec Emmanuel Macron.
Lorsqu’il gagne l’élection présidentielle en 2017, Emmanuel Macron a fait comprendre à son entourage qu’il a besoin d’un chef de gouvernement qui puisse cocher trois cases : celle de la compétence, celle du ralliement d’une partie de la droite, et celle de la rectitude, histoire de limiter les traîtrises ultérieures. Édouard Philippe remplissait parfaitement ces conditions. Ancien d’Areva, il a fait l’École nationale d’administration (conseiller d’État, promotion Marc Bloch 1995-1997) tout comme Macron (inspecteur des finances, promotion Senghor 2002-2004). Aussi, il est un disciple en chef d’Alain Juppé dont il a dirigé en 2017 la campagne pour la primaire LR, perdue face à François Fillon. En outre, l’actuel maire du Havre a de la rectitude et il l’a prouvé à plusieurs reprises. Un peu trop même…
Philippe commençait à faire de l’ombre à Macron
Mais voilà, Edouard Philippe commence à faire de l’ombre à Macron. Il plaît pour sa methode, sa rigueur, sa constante et son sens de la responsabilité. Tandis que le chef de l’Etat, lui, semble changer de visage selon le contexte, en grand amateur de théâtre. Ce qui le décrédibilise aux yeux des Français et fait baisser sa côte. De son côté, le premier ministre gagne en popularité. Selon un récent sondage Elabe, 57 % des Français souhaitaient même son maintien à la tête du gouvernement. Cette montée en puissance d’Edouard Philippe ne peut évidemment pas plaire au locataire de l’Elysée, qui a encore en mémoire les tentatives de trahison des premiers ministres français (Rocard, Balladur, Valls, Fillon…) envers leurs présidents. Emmanuel Macron avait besoin d’anticiper les choses et surtout de reprendre les rênes. Il doit redescendre dans l’arène politique dans la perspective de la présidentielle de 2022.
Par ailleurs, son binôme ne lui servait pratiquement plus à rien… Alors que le chef du gouvernement est d’ordinaire le gilet pare-balles du Président, Edouard Philippe n’a eu de cesse d’esquiver les boulets, exposant ainsi Emmanuel Macron. L’on pense notamment à l’affaire Benalla, à la crise des Gilets jaunes et au GriveauxGate. Aussi, le désormais ex premier ministre a régulièrement eu une approche différente sur certains points de la politique de la Macronie. Il y a eu par exemple des divergences sur la réforme des retraites et la gestion de la crise du coronavirus.
Il n’était plus le gilet pare-balles du président
Macron avait alors de nombreuses raisons de se séparer de lui. Mais une difficulté de taille se présentait au chef de l’Etat : faire partir son premier ministre sans le virer et sans provoquer une crise. Cela aurait l’avantage de renforcer, auprès des Français, l’image de ce potentiel adversaire à la prochaine présidentielle.
Si Macron devait se séparer de son premier ministre, il lui fallait donc trouver la meilleure manière et attendre le bon moment. « S’il redevient maire du Havre après le second tour des municipales, l’occasion sera parfaite. Espérons juste qu’elles n’auront pas lieu trop tard », avait récemment confié au Parisien un proche de l’Élysée. Avec une rupture tapageuse, Macron pourrait, en effet, perdre le soutien du centre-droit, son principal socle électoral que tient le maire du Havre.