Né aux Etats Unis début juin, le mouvement #Iwas a pris une ampleur particulière en Corse avec des dizaines de témoignages sur les réseaux sociaux. Mais pour le moment, la vague de dénonciations a débouché sur peu de plaintes.
La « loi du silence » sur les agressions sexuelles en Corse est en train de se briser, alors que le mouvement #IWasCorsica prend une ampleur inattendue. Dimanche 5 juillet, plusieurs centaines de personnes ont défilé dans les rues d’Ajaccio pour dénoncer les violences sexuelles visant les femmes. À l’appel du mouvement, les manifestants, principalement des jeunes femmes, ont rallié la préfecture depuis le palais de justice en brandissant des pancartes. On pouvait notamment lire « Prenez nos plaintes », « La peur change de camp », « Fin de l’omerta pour les victimes ». Le 21 juin, quelque 300 personnes avaient déjà manifesté avec les mêmes slogans à Bastia.
« Ça a fait effet boule de neige »
Ces rassemblements font suite à l’apparition, début juin, du hashtag #Iwas aux États-Unis. Laora Paoli Pandolfi, une illustratrice parisienne de 34 ans d’origine corse, a suivi ce mouvement sur les réseaux sociaux. Surprise par le nombre de témoignages en provenance de son Corse natale, elle décide de les recenser sur un compte Twitter en apposant le hashtag #IWasCorsica. La jeune génération s’en empare aussitôt. « Ça a fait effet boule de neige, constate-t-elle. La Corse ressemble à un milieu fermé, comme le sport ou le cinéma, on a peur de se griller ». Avec une particularité : « Le mythe de la sécurité qui, aujourd’hui, vole en éclat ».
C’était un ami, un cousin, un père…
Les familles, omniprésentes, créent l’illusion de la garantie d’une protection. « Quand ça arrive dans le vase clos dans la famille, c’est d’autant plus dur d’en parler. C’est le revers de la médaille », souligne l’illustratrice. Un policier confirme ses propos auprès de l’AFP : « l’omerta n’est pas un mythe dans l’île » sur ces questions de violences sexuelles « commises dans la majorité des cas par des proches ».
Ces proches peuvent être des amis, des cousins et même des pères, d’après les témoignages relayés sur Twitter. «#Iwas ça s’est passé de 4 à 8-10 ans. C’était mon propre père et uniquement par sodomie. Il me disait que c’était normal, que tous les papas faisaient ça à leurs filles », écrit Stella Pasquini sur Twitter. La justice a condamné son père incestueux à 10 ans de prison en septembre 2019. Une autre victime confie : «#Iwas 6 environ. C’était mon cousin. Il en avait 14. Je me suis réveillée la nuit. Il ne dormait pas. Et m’a demandé de l’aider à finir ce qu’il était en train de faire », raconte pour sa part Culomba Sicurani.
49 plaintes enregistrées pour le moment
Si certaines victimes ne veulent pas porter plaintes, d’autres en revanche réclament justice. Pour le moment, « 48 plaintes pour diffamation ont été déposées en Haute-Corse suite à la publication de dizaines de noms de potentiels agresseurs sexuels ou violeurs », a précisé la procureure de Bastia, Caroline Tharot. Une 49e a aussi été déposée en Corse-du-Sud. Le mouvement a déjà obtenu le soutien de plusieurs autorités, parmi lesquelles, les maires d’Ajaccio, Bastia et Bonifacio, et Marlène Schiappa, ex-secrétaire d’Etat à l’Égalité femmes-hommes.