Ce pays qui ne connaît aucun cas de coronavirus a sacrifié son économie au profit de la santé de sa population
09/06/2020Les Îles Cook, un État du nord-ouest du Pacifique Sud, politiquement lié à la Nouvelle-Zélande, ont, dès le début de la pandémie de coronavirus, décidé de fermer leur territoire à la grande majorité des étrangers et ce, même si le tourisme représente deux tiers du PIB national.
Au mois de mars, les vols vers les Îles Cook ont commencé à être annulés. Les ports ont refusé l’amarrage des bateaux de croisière et les restrictions aux frontières ont été si strictes que pratiquement presqu’aucun étranger ne pouvait pénétrer sur le sol de ce petit État paradisiaque, excepté les citoyens de Nouvelle-Zélande. Bien qu’autonomes, les Îles Cook sont en effet en libre association avec ce pays.
« Les personnes, pas l’argent »
« Les personnes, pas l’argent », a déclaré, au début du mois de mars, le Premier ministre des Îles Cook, Henry Puna. D’emblée, l’objectif de son gouvernement a été de protéger la population de 17.500 habitants face au covid-19, virus dont on ne recensait aucune contagion dans cet État au début de la pandémie.
Cette décision a bien entendu entraîné des conséquences économiques. Les résidents des Îles Cook dépendent principalement du tourisme en tant que source de revenus. Le secteur touristique représente plus des deux tiers de l’économie des Îles Cook, indique Bloomberg Businessweek. Via cette mesure pour lutter contre le coronavirus, la séquence pluriannuelle de croissance économique du pays, supérieure à la normale, s’est interrompue brutalement. Depuis lors, les Îles Cook n’ont plus vu un seul touriste et le produit intérieur brut a chuté de 60%.
Un retour à la normale sera lent, a averti Kishti Sen, économiste de la banque ANZ Bank, société bancaire d’Océanie, dont le siège mondial est en Australie. « 2020 sera une année très difficile pour les Îles Cook, compte tenu de l’arrêt du tourisme mondial en raison de covid-19. »
En 2019, le nombre d’arrivées internationales a grimpé à 171.550, soit une augmentation de 37% par rapport à il y a une demi-décennie. Cet essor était alimenté par la frénésie dans le secteur de la construction de maisons de vacances et par la croissance d’agents de réservation en ligne tels qu’Airbnb. Les gains continus du secteur touristique sont la principale raison pour laquelle le PIB par habitant des îles a doublé au cours d’une décennie pour atteindre 30.840 dollars néo-zélandais l’année dernière, malgré la stagnation dans d’autres secteurs de l’économie.
Décisions difficiles
Fin février, alors que le virus se répandait dans le monde, les touristes débarquaient toujours sur les Îles Cook. Lorsque les contagions ont commencé à augmenter en Nouvelle-Zélande, les autorités des Îles Cook ont tiré la sonnette d’alarme. Plusieurs pays sont proches de ce territoire, les vols sont quotidiens et le degré élevé de coopération intergouvernementale est élevé. Par ailleurs, les Îles Cook utilisent le dollar néo-zélandais comme monnaie.
Les autorités craignaient que les conséquences soient catastrophiques si le virus pénétrait sur leur territoire. Avec 22 médecins, 110 infirmières et seulement deux ventilateurs, les ressources étaient insuffisantes pour affronter à une pandémie. Des décisions difficiles ont par conséquent dû être prises.
Plan de sauvetage
« Des sociétés ont vu leurs revenus tomber à zéro une fois que le dernier vol a quitté le pays », a expliqué Mark Brown, ministre des Finances du pays.
Toutefois, en une semaine, son ministère a concocté un plan de sauvetage économique d’une valeur de 61 millions de dollars, équivalant à plus de 11% du PIB. Ce plan de redressement a été accompagné d’un programme de paiement unique de 400 dollars néo-zélandais pour les retraités et autres groupes vulnérables et de trois mois d’électricité gratuite pour tous les résidents.
Pour aider les entreprises et pour éviter les licenciements, le gouvernement a également proposé de subventionner les salaires.
« L’objectif est de permettre aux personnes affectées de pouvoir encore acheter de la nourriture, de mettre de la nourriture sur la table, de nourrir leur famille », a déclaré le ministre. Des subventions allant de 3.000 dollars néo-zélandais à 15.000 dollars néo-zélandais ont apporté un soulagement supplémentaire à court terme, mais n’ont guère apaisé les craintes à long terme.
Selon une enquête réalisée en avril par la Chambre de commerce des Îles Cook, les entreprises s’attendaient à une baisse des revenus de 90% en moyenne au cours des trois mois suivants. Le seul psychologue clinicien du ministère de la Santé a commencé à organiser des ateliers pour lutter contre l’anxiété et le stress dans le secteur privé. Des travailleurs du secteur hôtelier inactifs ont été envoyés dans les champs pour planter du taro et du manioc.
Défi
Le défi actuel pour le ministre des Finances et pour le gouvernement des Îles Cook consiste à préparer le budget national pour l’exercice 2020-2021. Avec peu de revenus injectés dans les caisses de l’État, joindre les deux bouts exigera de la créativité et de l’innovation, précise le ministre des Finances. En outre, il faudra également dégager 76 millions de dollars néo-zélandais supplémentaires pour le plan de relance prévu. Pour atténuer les dommages causés par la pandémie, la banque ANZ estime que le pays aura besoin d’au moins 260 millions de dollars néo-zélandais.
En l’absence de banque centrale, les options politiques sont limitées. Un ratio d’endettement relativement faible de 21% offre au pays une marge d’emprunt. Le gouvernement est en pourparlers avec la Banque asiatique de développement ADB et la Nouvelle-Zélande pour l’octroi de prêts jusqu’à ce que les restrictions frontalières soient assouplies et que les touristes puissent à nouveau fouler les Îles Cook.
Au cours de la récente période de bonne conjoncture économique, le gouvernement d’Henry Puna a pensé à placer 56,7 millions de dollars néo-zélandais dans un fonds de réserve d’urgence à utiliser pendant les périodes de ralentissement ou pour se remettre des cyclones. Ces fonds ont aidé à payer les mesures de relance.
Pa Napa, directeur du complexe touristique Kiikii Inn & Suites, situé sur Rarotonga, la plus grande des 15 îles Cook, a expliqué que le pays pourrait être confronté à quelque chose de plus destructeur qu’une catastrophe naturelle. « Avec un cyclone, une fois qu’il est passé, vous nettoyez, vous vous remettez au travail et vous vous déplacez. Avec cette pandémie, cela fait des semaines et des semaines sans rien. »
Nouvelle-Zélande
La Nouvelle-Zélande vient de lever toutes les restrictions lié au coronavirus. La nation est exempte de virus, ont annoncé les autorités de ce pays.
En vertu de nouvelles règles, la distance sociale n’est plus requise et il n’y a pas de limites aux rassemblements publics. Toutefois, les frontières restent fermées aux étrangers.
Le pays n’a plus signalé aucun nouveau cas de covid-19 depuis plus de deux semaines.
« Bien que nous soyons dans une position plus sûre et plus forte, le chemin pour revenir à la vie d’avant le coronavirus n’est pas facile, mais la détermination et l’attention que nous avons accordées à notre réponse en matière de santé seront désormais investies dans notre reconstruction économique », a déclaré la Première ministre Jacinda Ardern.
Dorénavant, toutes les écoles et tous les lieux de travail du pays peuvent rouvrir. Les mariages, les funérailles et les transports publics peuvent reprendre sans aucune restriction. La distanciation sociale n’est plus nécessaire mais restera cependant encouragée.
Les frontières du pays restent fermées aux voyageurs étrangers et les Néo-Zélandais arrivant de l’étranger sont encore obligés à respecter une période d’isolement ou de confinement de 14 jours.