Un effet secondaire alarmant de la lutte mondiale contre le nouveau coronavirus consiste en une augmentation massive des outils de surveillance de la population.
Tous les gouvernements instaurent de nouvelles mesures de surveillance
Partout dans le monde, les gouvernements mettent en place de nouvelles mesures de surveillance afin de garder le virus sous contrôle. Les autorités cherchent à savoir où les personnes se trouvent et si elles ont été infectées par le COVID-19.
Le caractère invasif de ces mesures varie selon les pays, indique Business Insider.
En Israël, le gouvernement a adopté des lois d’urgence pour permettre au Shin Bet, le service de sécurité intérieure du pays, d’utiliser les données de localisation des téléphones portables pour lutter contre le coronvirus. Les données sont utilisées pour retracer les mouvements des personnes testées positives au virus et identifier d’autres personnes qui devraient être mises en quarantaine.
La Corée du Sud, quant à elle, diffuse par SMS des alertes informant sur l’âge, le sexe et le dernier emplacement des patients. Plusieurs autres pays rassemblent des données de localisation agrégées et anonymisées pour suivre les mouvements des personnes d’une manière générale.
Le Royaume-Uni s’apprête pour sa part à tracer le mouvement de personnes à l’aide de données de localisation, ont mis en garde plusieurs activistes de la protection de la vie privée.
Contact tracing
Retrouver les personnes malades et être capables de déterminer leurs interactions sociales est un moyen efficace de juguler les pandémies. Plusieurs pays l’ont appris lors d’épidémies précédentes.
Cette pratique, connue sous le nom « contact tracing » (suivi des contacts), consiste à repérer toute personne infectée ainsi que les personnes avec lesquelles cette dernière à été en contact. Cette méthode combinée à la mise en quarantaine a fait ses preuves pendant l’épidémie de SRAS et d’Ebola.
De nos jours, on compte des milliards d’utilisateurs de smartphones à travers le monde. Il est donc logique que le « contact tracing » et la surveillance deviennent numérique.
Singapour, Taïwan et la Corée du Sud font partie des pays qui utilisent les données des smartphones pour tracer les personnes infectées. Singapour a demandé à la population de télécharger une application nommée « TraceTogether » qui active le BlueTooth pour surveiller les autres personnes avec lesquelles l’utilisateur a été en contact et signale si ces personnes ont approché quelqu’un qui pourrait avoir contracté le virus. Taïwan utilise pour sa part le géorepérage pour s’assurer que les personnes restent à leur domicile.
Conséquences pour les libertés civiles
« Le suivi des contacts et l’enregistrement de la proximité entre des personnes via des données Bluetooth, WiFi ou GPS, aident à informer les personnes qu’elles ont déjà été en contact avec quelqu’un qui ayant contracté le coronavirus et qu’elles devraient s’auto-isoler », fait remarquer le Computational Privacy Group de l’Imperial College London. « Tout en étant potentiellement très efficace, cette méthode permet également de collecter une très grande quantité de données sensibles. »
L’utilisation de données téléphoniques pour suivre les personnes est particulièrement choquante pour les citoyens qui vivent dans les démocraties occidentales et qui n’ont pas l’habitude d’être surveillés. Dans les pays asiatiques, le traçage des contacts a conduit à des infractions à la vie privée.
Sur Twitter, Milo Hsieh, journaliste à Taïwan, a expliqué que les téléphones étaient suivis par satellite par le gouvernement pour appliquer la quarantaine. Hsieh a pu constaté par lui-même l’utilisation massive de cette méthode. Un matin, à 7h30, son smartphone est tombé en panne de batterie. Résultat : quatre départements l’ont appelé et à 8h20, la police frappait à sa porte.
En Europe, ce suivi des utilisateurs se généralise également
Ainsi, la Pologne demande aux patients atteints de coronavirus de télécharger l’application « Home Quarantine » avec laquelle ils doivent envoyer des selfies réguliers et géolocalisés. Ceux qui ne respectent pas cette mesure peuvent recevoir une visite de police.
En Italie, le réseau mobile Vodafone a fourni une carte thermique « agrégée et anonyme » de la région de Lombardie gravement touchée par le coronavirus. Cette technique a permis de déterminer comment la population dans son ensemble se déplaçait et a aidé les autorités à prendre des décisions concernant la lutte contre le virus.
Des pays tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Belgique envisagent également d’avoir recours aux données agrégées et anonymisées afin de déterminer la manière dont la population répond aux mesures de confinement.
Au Royaume-Uni, des militants de la protection de la vie privée craignent que les autorités ne se mettent à espionner ses propres citoyens afin d’être en mesure de garder le virus sous surveillance. Le gouvernement britannique serait d’ailleurs en pourparlers avec les opérateurs de télécommunications et avec Google pour obtenir leur collaboration.
Le National Health Service, le système de la santé publique du Royaume-Uni, développerait ainsi une application de suivi des personnes à risque.
Jim Killock, directeur du Open Rights Group, a expliqué sur Twitter que l’on en savait pas plus sur ces développements mais que les autorités y travaillaient bien. Les technologues ont appelé le gouvernement à fournir des informations plus transparentes sur l’application de recherche des contacts.
“Le suivi des contacts a été un facteur de succès dans la suppression du coronavirus en Corée du Sud, mais ces technologies et le contexte social et politique sud-coréen ne peuvent pas être reproduits au Royaume-Uni « , a écrit un groupe de technologues dans une lettre ouverte.
Les fournisseurs de télécommunications britanniques ont confirmé qu’ils étaient en discussion avec le gouvernement. Toutefois, ils ont indiqué que malgré le fait qu’ils acceptaient d’aider les autorités, ils en fourniraient aucune donnée de localisation individuelle des utilisateurs.
Google a indiqué qu’il pourrait aider à cartographier les mouvements des personnes, mais qu’il ne transmettrait pas les données de localisation des individus.Toutefois, des militants de la protection de la vie privée affirment que le gouvernement britannique pourrait commencer à suivre secrètement des patients atteints de coronavirus et leurs contacts.
En France, les autorités songent à autoriser la collecte et le traitement de données relatives à la santé et à la localisation pendant six mois, rapporte le site Numerama. Un amendement a d’ailleurs été déposé dans ce sens plus tôt ce mois-ci.
Enfin, hier, la Commission européenne a réclamé les données de huit opérateurs de télécommunications (dont Orange en France) pour vérifier si les mesures de confinement étaient respectées.