Sur quoi portent ces accords ?
Le premier accord, conclu avec la société ProQuest, prévoit la numérisation de 70 000 livres datant de 1470 à 1700. Cela concerne précisément tous les exemplaires des incunables imprimés avant 1500 et un exemplaire par édition pour les imprimés des XVIè siècle et XVIIème siècle. Le second accord, conclu avec Believe Digital Memnon Archiving services, concerne lui la numérisation et la valorisation de 200 000 disques vinyles 78 et 33 tours.
Pourquoi est-ce critiqué?
L’accord avec la société Proquest prévoit qu’une sélection de 3500 ouvrages sera en libre accès immédiat sur Gallica. Et le reste me direz-vous ? « Les autres ouvrages seront accessibles à tous les lecteurs de la BNF pendant 10ans avant d’être mis en libre accès à leur tour sur Gallica ». C’est-à-dire que la société Proquest aura libre court pour vendre des bases de données constituées de ces livres pourtant dans le domaine public. La seule solution pour les consulter gratuitement sera donc d’attendre 10 ans ou d’aller à la BNF à Paris ce qui on en convient réduit l’intérêt de la numérisation puisque les supports physique sont disponibles sur place.
Ces accords vont à l’encontre de toutes les préconisations. Il est notamment intéressant de reprendre le manifeste du domaine public qui fût rédigé par Communia, un organisme financé par la commission européenne. Ainsi :
- Toute tentative infondée ou trompeuse de s’approprier des œuvres du domaine public doit être punie légalement. De façon à preserver l’intégrité du domaine public et protéger ses usagers de prétentions infondées ou trompeuses, les tentatives d’appropriation exclusive des œuvres du domaine public doivent être déclarées illégales.
- Les institutions patrimoniales doivent assumer un rôle spécifique dans l’identification efficace et la préservation des œuvres du domaine public. Elles doivent garantir que les œuvres du domaine public sont accessibles à toute la société en les étiquetant, en les préservant et en les rendant librement accessibles.
La quadrature du net dénonce pour sa part les effets pervers de « ces partenariats (qui) prévoient une exclusivité de 10 ans accordée à ces firmes privées, pour commercialiser ces corpus sous forme de base de données, à l’issue de laquelle ils seront mis en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. Les principaux acheteurs des licences d’accès à ces contenus seront des organismes publics de recherche ou des bibliothèques universitaires, situation absurde dans laquelle les acteurs du service public se retrouveront contraints et forcés, faute d’alternative à acheter des contenus numérisés qui font partie du patrimoine culturel commun ».
Pierre Lescure apporte également une réprobation cinglante dans le cadre de sa mission sur la culture à l’heure du numérique. D’après lui : « Des œuvres du domaine public sont vendues sous forme de bases de données, en partenariat avec des entreprises privées qui assurent la numérisation et se rémunèrent sur le produit des ventes. Il convient donc de réfléchir à la mise en place de dispositifs juridiques de protection, de promotion et de valorisation du domaine public adaptés à l’ère du numérique. »
Ce désengagement de l’Etat au profit de partenariat public privé n’augure rien de bon pour la culture, mais en période de réduction des déficits il semble que l’Etat ait fait le choix du privé et de la monétisation. « La culture pour tous » de Malraux devra attendre, ou payer !
En savoir plus :
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Martin Ralury