Le « libre » David contre « 10 puissance 100 » Goliaths ou les coups de sang de Free contre Google le géant

Le « libre » David contre « 10 puissance 100 » Goliaths ou les coups de sang de Free contre Google le géant

15/01/2013 Non Par Borj Noe

google, free, xavier niel, fleur pellerin, quadrature du net, iliadQuel est le point commun entre un smart phone sous Android, une vidéo sous YouTube et l’OS Chrome ? La réponse n’est pas compliquée, ils appartiennent tous au géant californien Google. Avec  70% des internautes du monde utilisant le moteur de recherche de façon quasi-quotidienne, la société de la Silicon Valley est, sinon en monopole, au moins en situation « d’ultra numéro 1 ». Concrètement, personne n’échappe à Google, que cela soit par son service de courriel Gmail, son OS pour smart phone Android qui concurrence sérieusement iOS et Windows phone, par l’imagerie par satellite Google Earth/Map où ils sont numéro 1 etc. etc … (la liste est bien longue)… et bien évidemment à travers son moteur de recherche et sa fililale YouTube, rachetée en 2006, numéro 1 des sites de VOD. Et c’est là que Free et son très médiatique (et controversé) PDG Xavier Niel entrent en scène.

Pour le directeur de la stratégie du groupe Iliad, le développement continu des sites de vidéos en streaming, et le prochain lancement de la Google TV, pèse de plus en plus lourd pour les réseaux internet. Concrètement, il devient critique d’élargir le réseau, de développer les réseaux câblés et numériques pour faire passer un toujours plus grand nombre d’octets des vidéos. Et, selon M. Niel, pourquoi ne pas faire participer les géants du Net dans les investissements de développement du réseau, d’autant que ces géants gagnent de l’argent à travers ce réseau par la publicité qui les financent ? Les FAI (fournisseurs d’accès à internet) estiment que Google & Co n’existerait pas sans eux, et vice versa. Mais comment faire entendre sa petite voix face au Goliath californien ?

Free, connu pour sa communication musclée, a décidé tout simplement de bloquer les bannières publicitaires à ses abonnés de son offre Free Revolution pour interpeler la Toile. La réaction ne s’est pas fait attendre et l’action du FAI a été unanimement condamné comme étant une atteinte à la neutralité du web en bloquant arbitrairement des flux internet sans prévenir ni les éditeurs de site, ni les internautes. La stratégie du FAI est pointée du doigt ; « Free est un tigre de papier face à Google » affirma Stéphane Richard, PDG d’Orange. La Ministre de l’économie numérique, Fleur Pellerin, n’a pas tardé à réagir en convoquant les directeurs de Free pour dénoncer leurs actions de censure. « Je considère que la brutalité, la manière de procéder n’est pas acceptable. Un acteur ne peut pas remettre en cause de manière unilatérale tout le système », selon la ministre pour qui « la publicité est un élément central de l’économie numérique ».

Si Fleur Pellerin a condamné la méthode de chantage du FAI, elle a néanmoins considéré commé légitime sa revendication économique. « Xavier Niel a posé la bonne question, qui mérite d’être posée », a-t-elle expliqué sur France 5. Cette action relança le débat de la neutralité du web. Mme. Pellerin organisa le 15 janvier une conférence-débat intitulée « Net neutralité : croissance d’Internet et libertés des internautes ». Elle y a notamment réaffirmé que « La liberté fondamentale des internautes à accéder à l’information et à l’ensemble des contenus sans censure ni modification doit donc être garantie. Par conséquent, c’est bien la neutralité du réseau qui doit être elle aussi garantie, de bout en bout de la chaîne de valeur », a poursuivi la ministre. « À ce titre, nous ne pourrons pas accepter la forme de censure qui est pratiquée aujourd’hui par des magasins d’applications ou par quiconque ayant un pouvoir de restriction sur les systèmes d’exploitation ou sur le réseau ». Mais la simple organisation d’un débat et le renvoi de la question par la ministre au fraîchement créé Conseil National du Numérique est dénoncé par des acteurs du Web. En bottant en touche sans prendre de décision,à La Quadrature du Net, association de défense des libertés numériques, pose la question « à quoi sert Fleur Pellerin ? ». Elle estime que le « débat-alibi » de ce matin « n’aura servi qu’à camoufler l’inaction de la ministre ». Cela pose donc la question du rôle du législateur.

À ce  jour, seuls Les Pays-Bas, la Slovénie et le Chili ont légiféré pour préserver la neutralité du web. Ils ont ainsi pris de court l’Union européenne, qui a simplement lancé des consultations sur le sujet en 2010 et en 2012. La France se contente à ce jour d’une ordonnance de 2011 qui retranscrit le troisième Paquet télécom européen.

Robin Caron