Après la crise financière qui a frappé de plein fouet l’île en 2008-2009, une assemblée constituante fut créée pour réviser la loi fondamentale du pays, datant de l’indépendance de l’Islande par rapport au Danemark en 1944. L’originalité de cette constitution réside dans le fait que la Commission rédactionnelle fit participée ouvertement tous les internautes souhaitant apporter leurs pierres à l’édifice. Les réunions de la Commission furent toutes rendues publiques et retransmises en direct sur une chaîne YouTube. Pour l’occasion furent créés une page Facebook, un compte Flickr et un profil Twitter. Ainsi n’importe quel citoyen pouvait apporter sa contribution en direct au débat de la Constituante, proposer des amendements, demander des explications sur un décret… En quelques trois mois de brainstorming, plus de 4000 citoyens, soit plus de 12% de la population islandaise (320 000 habitants), apportèrent leurs contributions au projet de Constitution. Si certaines furent farfelues (rendre le cannabis légal et gratuit pour tous ; l’hindouisme sera la nouvelle religion officielle du pays…), l’élan démocratique fut bien suivi et dans l’ensemble très constructif pour tous. La grande nouveauté de la Constitution est qu’elle fait passer l’Islande d’un régime parlementaire à un régime semi-présidentiel. Par ailleurs elle intègre de nouveaux mécanismes démocratiques, tel que le référendum d’initiative populaire, et renforce les garanties des libertés citoyennes.
Le référendum de dimanche, outre le vote en faveur de la Constitution, demandait aux citoyens de trancher sur divers questions de société : « voulez-vous que les les ressources naturelles qui ne sont pas propriété privée soient déclarées propriété de la nation ? » ; « Voulez-vous que figure dans la nouvelle Constitution une clause sur une Eglise nationale islandaise ? » ; « Voulez-vous faire figurer dans la nouvelle Constitution une clause stipulant que les voix des électeurs pèsent d’un poids égal, quel que soit leur lieu de résidence dans le pays ? »… Sur toutes ces questions les citoyens ont voté en majorité pour le « oui ».
« Ceux qui espéraient une meilleure société se sont réveillés heureux ce matin », a réagi Gudmundur Gunnarsson, membre du Conseil constitutionnel et père de la célèbre chanteuse Björk.
Le référendum n’était cependant que de nature consultative, le Parlement restant seul maître quant à l’adoption définitive de la nouvelle Constitution. Il doit se prononcer à deux reprises sur le sujet ; la première dès maintenant avec la majorité actuelle. Une seconde fois en mars 2013, après les élections législatives où la droite, plutôt hostile au projet constitutionnel, pourrait l’emporter.
Cette expérience inédite de rédaction constitutionnelle participative illustre l’évolution de la vie politique et citoyenne à l’heure des réseaux sociaux et de l’internet de masse. Par l’implication directe et participative des citoyens dans la vie institutionnelle du pays, le Cinquième pouvoir a pu écrire la première constitution 2.0.
Robin Carond
Comment la belle Constitution 2.0 de l’Islande menace de dérailler – Rue 89 ; 19/10/2012
Deux tiers des Islandais seraient favorables à la Constitution des « gens ordinaires » – Le Monde ; 21/10/2012
Islande : une Constitution par et pour les citoyens – Le Figaro ; 22/10/2012
Les Islandais appellent par référendum à une autre Constitution – Le Nouvel Observateur ; 21/10/2012