L’atrocité du feuilleton Merah à peine clos, le président Nicolas Sarkozy a annoncé lors d’une déclaration solennelle que « désormais, toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence sera punie pénalement ». Le peuple a peur, le politique réagit. Qu’importe que cette loi d’affiche soit philosophiquement contestable et juridiquement intenable, le temps des médias doit primer au mépris de la réflexion.
Après tout, certains penseront que ce n’est qu’une extension de ce qu’il existe déjà en matière de pédopornographie. L’article 227-23 du code pénal prévoit que « le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition [des images pédopornographiques] est puni de deux ans d’emprisonnement de 30 000 euros d’amende« . En réalité cette disposition est principalement utilisée afin de faciliter l’engagement de poursuites lorsqu’une perquisition révèle que le suspect consultait régulièrement des sites de cette nature. Blanche Régnier, secrétaire générale du syndicat de la magistrature, estime que « la justice n’arrive à prouver qu’il y a eu “consultation habituelle” de sites interdits qu’après un passage à l’acte. La preuve est en général réunie lors d’une perquisition. Pour l’établir avant le passage à l’acte, il faut un travail d’enquête de police par des brigades qui assurent une veille spécialisée. »
Ce travail de veille implique donc que les fournisseurs d’accès à internet soient obligés de dénoncer chaque connexion à un site litigieux. Outre des coûts humains et d’infrastructures très important la question est de savoir ; qu’est-ce qu’un site litigieux ?
Si une image pédopornographique se repère facilement, qu’en est-il d’un site qui appelle à la haine et à la violence ? Ainsi, comment qualifier certaines organisations à l’instar de batasuna, considérée comme terroriste en Espagne mais pas en France ? Par ailleurs, lire Mein Kampf en version papier serait légal (depuis 1979) mais le consulter sur internet deviendrai un délit. Enfin, la question de la fréquence pose également problème. Qu’en sera-t-il des universitaires, des journalistes ? Devront-ils demander une autorisation particulière ? Alors même qu’il serait très simple pour un véritable terroriste de consulter ce genre de site en utilisant un serveur proxy afin de changer d’adresse IP pour contourner la surveillance.
La difficulté vient de l’imprécision des termes utilisés. Si la jurisprudence peut y pallier, il n’en reste pas moins que le Conseil constitutionnel a posé le principe de clarté et d’intelligibilité de la loi comme un principe à valeur constitutionnel susceptible de censurer une loi.
Didier Maus, professeur de droit constitutionnel met lui en garde contre ces mesures « annonciatrices d’un déséquilibre entre ces libertés [libertés fondamentales] et la sauvegarde de l’ordre public, [qui] heurtent très clairement à la jurisprudence appliquée jusqu’à présent par le Conseil constitutionnel ».
Le pouvoir actuel a annoncé vouloir mettre en place cette mesure dès que possible. Petite précision : le parlement ne siégera plus jusqu’aux prochaines élections législatives…
Martin Ralury